La Cour de cassation, Première Chambre civile, 25 février 1997

Arrêt n° 426. Cassation

Pourvoi n° 94-19.685

 

 

Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre HEDREUL, demeurant?,

en cassation d'un arrêt rendu le 5 juillet 1994 par la Cour d'appel de Rennes (1re Chambre, section A), au profit :

1°/ de M. C., demeurant?,

2°/ de la société Polyclinique Sévigné, dont le siège est rue du Chêne Germain, 35510 Cesson Sévigné,

3°/ de M. T., demeurant?,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. HEDREUL.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur HEDREUL de sa demande en désignation d'un expert avec une mission similaire à celle du précédent expert désigné par les premiers juges et de son action en responsabilité à l'encontre des médecins et chirurgiens, en raison des troubles dont il est resté atteint à la suite d'une intervention chirurgicale, et pour manquement à leur devoir de conseil,

AUX MOTIFS QU

"il n'est pas contesté que Monsieur HEDREUL a eu un important accident matériel de la circulation la veille de l'expertise, l'expert d'ailleurs en page 2 de son rapport note que ce fait l'avait mis dans un "état psychique un peu perturbé",

toutefois, il n'est pas démontré que cette circonstance de même que l'absence de son avocat à ses côtés lors de ses opérations d'expertise ait pu avoir une incidence sur l'appréhension de ce dossier par l'expert, notamment celui-ci a pu faire un recensement très complet (p. 3, 4 et 5) des doléances de Monsieur HEDREUL, il n'est en rien démontré qu'un élément déterminant ait été omis ou que l'examen de Monsieur HEDREUL n'ait pu utilement être pratiqué le jour des opérations d'expertise.

Monsieur HEDREUL reproche à l'expert d'avoir commis des erreurs quant à la date des opérations en indiquant que l'exérèse du polype s'est réalisé le 16 février alors qu'elle a eu lieu le 15, de même, l'expert mentionne que le malade a pu sortir le 17 février alors que c'est le 16 qu'il a quitté la clinique, enfin, il parle des radios pratiquées le 17 février alors qu'il s'agit du 16 et de celles du 18 février alors qu'elles ont été réalisées le 17 février,

l'expert a effectivement commis une erreur de datation des différentes opérations chirurgicales subies à cette période par Monsieur HEDREUL, toutefois cette simple erreur de date est sans incidence sur la valeur de l'analyse de l'expert puisque la chronologie des diverses interventions et laps de temps les séparant a été très exactement prise en compte par l'expert, le rapport d'expertise n'a fait que décaler d'un jour l'ensemble des événements, objet du litige,

les parties ont soumis à l'expert l'ensemble des documents jugés utiles aux débats,

l'expert a procédé à un examen approfondi de ceux-ci, il n'a pas estimé nécessaire pour formuler l'avis technique qui lui était demandé d'en examiner d'autre,

Monsieur HEDREUL ne produit aucun avis médical démontrant que l'examen d'autres documents aurait pu permettre une appréciation différente de l'expert,

ne saurait être considéré comme tel l'avis établi le 27 décembre 1985 par le Docteur Roland COMTE à la demande de Monsieur HEDREUL, en effet, ainsi que l'a relevé le premier juge, ce rapport est sommaire et peu argumenté, procédant par affirmation et sans démonstration : "il y a lieu de relever un certain degré de maladresse au cours de cette intervention puisqu'il y a eu perforation... le diagnostic de cette opération a été long à poser... ce qui a entraîné une intervention tardive aboutissant à une colostomie",

au contraire le Professeur BLOCH a procédé à une discussion approfondie des différents problèmes soulevés, il a recherché de façon très minutieuse en interrogeant le Docteur C. et en examinant les documents qui lui étaient soumis si la perforation colique pouvait être en rapport avec une erreur ou une imprudence du Docteur C.,

de même, il a relaté de façon très précise la chronologie des interventions pour rechercher s'il y avait eu un retard dans le diagnostic de perforation colique et dans le traitement,

enfin c'est également après un examen très complet du dossier au regard tant des faits que des données acquises de la science médicale, que l'expert a apprécié l'opportunité des traitements.

Monsieur HEDREUL invoque encore la jurisprudence relative à l'absence de consentement éclairé du malade,

toutefois il lui appartient de rapporter la preuve de ce que le médecin ne l'aurait pas averti des risques inhérents à une polypectomie et notamment celui qualifié de non négligeable par l'expert d'une perforation digestive,

Monsieur HEDREUL ne produit aux débats aucun élément accréditant cette thèse,

une nouvelle expertise ne saurait être ordonnée pour suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve,"

ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile, une mesure d'instruction peut être ordonnée si la partie qui la sollicite ne dispose pas d'éléments suffisants pour prouver un fait et, seule se voir opposer sa carence, la partie dont les allégations ne s'appuient sur aucun élément précis permettant de lui faire crédit si bien qu'en statuant de la sorte alors que Monsieur HEDREUL faisait valoir qu'aucun document histologique, ni compte-rendu opératoire n'avait été communiqué, ce que n'avait pas manqué de relever le Conseil de l'Ordre des Médecins de BRETAGNE, ce qui caractérisait à tout le moins l'existence d'éléments sérieux de nature à justifier une nouvelle expertise, la Cour a violé le texte susvisé,

ALORS D'AUTRE PART QU'en refusant d'ordonner une expertise, alors que les faits invoqués par Monsieur HEDREUL ne pouvaient être prouvés que par des recherches de pièces en la seule possession des médecins, document histologique et compte rendu opératoire, soit des pièces auxquelles il ne pouvait accéder, les juges ont encore violé l'article 146 du nouveau Code de procédure civile,

ALORS ENSUITE QUE le médecin est tenu à un devoir d'information et de conseil à l'égard de son patient, lequel doit être ainsi dûment informé des risques encourus, qu'en mettant dès lors à la charge de Monsieur HEDREUL, l'obligation de prouver qu'il n'avait pas été informé des risques, qualifiés par la médecine de "non négligeables", qui pouvaient survenir à la suite de l'intervention subie, la Cour a renversé le principe de la preuve et violé ainsi l'article 1315 du Code civil,

ALORS ENFIN QUE en jugeant que Monsieur HEDREUL n'apportait pas la preuve d'un défaut d'information sur les risques encourus qualifiés par la Cour de "non négligeables", tout en tenant pour acquis le fait qu'il n'avait pas bénéficié d'examen de contrôle après sa première intervention chirurgicale, et que c'est seulement le surlendemain que le diagnostic de perforation avait été établi, ce dont il résultait à l'évidence que les médecins n'avaient pas pris les mesures qui s'imposaient afin de prévenir les complications redoutées, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et par suite a violé l'article 1147 du Code civil.

LA COUR, en l'audience publique du 22 janvier 1997. Sur le moyen unique pris en ses deux dernières branches :

Vu l'article 1315 du Code civil ;

Attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ;

Attendu qu'à l'occasion d'une coloscopie avec ablation d'un polype réalisée par le Docteur C., M. HEDREUL a subi une perforation intestinale ; qu'au soutien de son action contre ce médecin,
M. HEDREUL a fait valoir qu'il ne l'avait pas informé du risque de perforation au cours d'une telle intervention ; que la Cour d'appel a écarté ce moyen et débouté M. HEDREUL de son action au motif qu'il lui appartenait de rapporter la preuve de ce que le praticien ne l'avait pas averti de ce risque, ce qu'il ne faisait pas dès lors qu'il ne produisait aux débats aucun élément accréditant sa thèse ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 1994, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. C. aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. T. et de la polyclinique Sévigné.

Sur le rapport de M. Sargos, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. Hédreul, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la société Polyclinique? et de M. T., de Me Le Prado, avocat de M. C., les conclusions de M. Roehrich, avocat général. M. LEMONTEY, Président.

La Cour de cassation, Première chambre civile, 14 octobre 1997

Arrêt n° 1564. Rejet

Pourvoi n° 95-19.609

 

 

Sur le pourvoi formé par :

1°/ M. J.-P. G., demeurant?,

2°/ M. Y. G., demeurant avec son père, ?,

en cassation d'un arrêt rendu le 31 mai 1995 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre), au profit de Mme J. L., demeurant?,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour MM. G..

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. G. et son fils aujourd'hui majeur Yannick de leurs demandes tendant à voir déclarer le Docteur L. responsable des conséquences dommageables du décès de Mme G. et de leur demande tendant à voir condamner ledit Docteur au paiement d'indemnités ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que la preuve de l'absence d'information incombe au malade lui-même et en l'espèce à ses ayants droit ; que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal a constaté que cette preuve n'était pas rapportée en l'espèce ; qu'en effet, la coelioscopie n'a été prescrite par le Docteur L. qu'après échec du traitement médical et à la suite de divers entretiens avec sa patiente, laissant à cette dernière le temps de la réflexion ; les hésitations de G. G. et son anxiété avant l'opération permettent au contraire de présumer que cette dernière, laborantine titulaire dans le même Centre hospitalier de Quimperlé, était parfaitement informée des risques encourus ; que les témoignages produits et émanant principalement des membres de famille sont insuffisants pour écarter cette présomption ;

ET AUX MOTIFS ENCORE QUE l'obligation d'information des risques encourus pesait à titre principal sur le praticien spécialiste ayant pratiqué la coelioscopie, information complète irréalisable en raison de l'anxiété de la patiente, ainsi qu'en a jugé la Chambre d'accusation de cette même Cour dans son arrêt du 15 décembre 1988 ; que le risque exceptionnel d'embolie gazeuse n'avait pas à faire l'objet d'une information précise par ce spécialiste, pas plus que par le médecin traitant, si bien qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée ;

ET AUX MOTIFS à les supposer adoptés des premiers juges QU'avant toute intervention chirurgicale, le médecin a l'obligation d'avertir son patient des risques encourus afin d'obtenir un consentement libre et éclairé ; qu'en l'espèce, le Docteur J. L. a conseillé à Mme G. d'effectuer une coelioscopie, ayant pour objet de rechercher les causes de la stérilité secondaire dont elle était atteinte ; que cette technique consiste à insuffler du gaz carbonique après incision de la paroi abdominale, et introduction d'un système optique permettant la visualisation de la zone ovarienne ; dans les minutes qui ont suivi cette intervention, Mme G. a été victime d'une embolie gazeuse avec brutale décompensation cardiaque, que malgré les soins prodigués, elle devait décéder le lendemain ;

 

 

ET AUX MOTIFS AUSSI des premiers juges QUE les demandeurs soutiennent que le Docteur L. n'aurait pas informé sa patiente du risque inhérent à l'acte qu'elle préconisait, sans quoi Mme G., qui était déjà mère d'un enfant, ne s'y serait pas soumise ; que l'absence d'information dont la preuve leur incombe n'est toutefois pas démontrée, dans la mesure où il résulte des pièces produites que Mme G. a eu divers entretiens avec son médecin traitant et a pris sa décision après un temps de réflexion très long ; que l'anxiété relevée chez elle par divers témoins après son admission à l'hôpital de Quimperlé n'est pas non plus révélatrice de l'absence d'un consentement éclairé ; qu'il peut au contraire s'en déduire la connaissance par Mme G., laborantine de profession, du danger potentiel de recourir à l'acte coelioscopique comme à toute investigation para-clinique ou toute anesthésie générale ; qu'en outre, si la faute du Docteur L., pour s'être abstenue d'informer complètement Mme G. de tous les risques potentiels, était démontrée, il n'en est pas pour autant justifié que Mme G. eut renoncé, eu égard au caractère tout à fait exceptionnel de la survenance d'une embolie gazeuse, que le lien de causalité entre la faute et le préjudice n'est pas non plus établie, si bien que M. G., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils alors mineur, doit être débouté de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS QUE D'UNE PART, lorsque le patient décède lors de l'examen prescrit, ce n'est pas à son ou ses ayants droit d'établir que le praticien n'a pas satisfait son obligation d'information, preuve impossible, mais au praticien lui-même de prouver qu'il a fait le nécessaire quant à ce ; qu'en décidant le contraire, la Cour viole l'article 1315 du Code civil ;

ALORS QUE D'AUTRE PART, les exigences d'un procès équitable, d'un procès à armes égales, font qu'en cas d'impossibilité d'établir la preuve d'une situation, c'est à celui qui peut normalement rapporter ladite preuve de le faire; qu'en déboutant l'ayant droit de la victime d'un examen médical au motif qu'il n'avait pas établi que le médecin n'avait pas satisfait son obligation d'information, cependant que seul le médecin pouvait rapporter la preuve d'une telle information, la Cour viole les exigences d'un procès équitable et partant viole l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

ALORS QUE DE TROISIEME PART et en toute hypothèse, les juges du fond doivent raisonner à partir de certitudes et non de simples présomptions ; qu'en inscrivant dans son arrêt que les hésitations de la patiente et son anxiété avant l'opération permettent de présumer que cette dernière, laborantine, était parfaitement informée des risques encourus, la Cour ne justifie pas son arrêt au regard de l'article 1147 du Code civil ;

ALORS QUE DE QUATRIEME PART, la Cour n'analyse nullement le contenu des entretiens de la patiente avec son médecin traitant, si bien qu'elle ne pouvait sans s'expliquer davantage sur ce chapitre déduire que la preuve de l'absence d'information n'était pas rapportée compte tenu de ces entretiens, d'où une méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE DE CINQUIEME PART, la Cour écarte les témoignages produits ? douze - au seul prétexte qu'ils sont insuffisants pour écarter une présomption d'information et ce sans la moindre analyse - fût-elle succincte ? desdits témoignages, d'où une nouvelle méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE DE SIXIEME PART, l'obligation d'information pèse indistinctement sur le médecin prescripteur et le médecin chargé de pratiquer l'examen ; qu'en affirmant que l'obligation d'information pesait essentiellement sur le médecin qui a pratiqué la coelioscopie, déchargeant d'autant le médecin prescripteur sans que l'on sache d'ailleurs dans quelle mesure, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil en introduisant une distinction qui ne ressort d'aucun texte, d'aucun principe de droit ;

 

 

ET ALORS ENFIN QUE s'il est vrai qu'en principe les risques exceptionnels n'ont pas à faire l'objet d'une information de la part du médecin à l'endroit du patient, il en va différemment lorsque l'examen médical générateur d'un tel risque pourtant parfaitement connu -fût-il exceptionnel- n'est pas imposé par une nécessité évidente ou un danger immédiat pour le patient et lorsqu'il est de surcroît totalement disproportionné avec l'objectif poursuivi par l'analyse pratiquée ; qu'en ne se prononçant pas sur ces données de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, la Cour qui procède par affirmations ne justifie pas davantage son arrêt au regard de l'article 1147 du Code civil.

LA COUR, en l'audience publique du 1er juillet 1997. Sur le moyen unique pris en ses sept branches :

Attendu que Mme G., née en 1957, a eu un enfant en 1977 et que, ne pouvant en avoir un second, elle a subi, notamment à partir de 1982, des examens, bilans hormonaux et traitements qui n'ont pas eu de résultats ; que son médecin gynécologue, Mme L., lui a proposé de procéder à une coelioscopie destinée à rechercher si elle ne présentait pas une étiologie ovarienne expliquant sa stérilité ; qu'au cours de cette intervention, réalisée en mars 1983 par le docteur R., un anesthésiste et en présence de Mme L., est survenue une embolie gazeuse mortelle par migration du gaz d'insufflation dans les vaisseaux cérébraux ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 31 mai 1995) a débouté le mari et le fils de la défunte de leur action engagée en 1992 contre Mme L., à laquelle ils reprochaient un défaut d'information sur le risque d'embolie gazeuse lors d'une coelioscopie ;

Attendu que les consorts G. reprochent à la cour d'appel d'avoir ainsi statué et invoquent des griefs contestant des énonciations de l'arrêt relatives, de première et deuxième part, à la charge de la preuve de l'information, de troisième, quatrième et cinquième part, aux éléments de preuve retenus ou insuffisamment analysés, de sixième part, à l'obligation d'information pesant à titre principal sur le médecin qui réalise l'examen, de septième part, à la limitation de l'obligation d'information au risque non exceptionnel ;

Mais attendu que s'il est exact que le médecin a la charge de prouver qu'il a bien donné à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques des investigations ou soins qu'il lui propose de façon à lui permettre d'y donner un consentement ou un refus éclairé, et si ce devoir d'information pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription, la preuve de cette information peut être faite par tous moyens ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté qu'il résultait des pièces produites que G. G., qui exerçait la profession de laborantine titulaire dans le centre hospitalier où avait eu lieu la coelioscopie, avait eu divers entretiens avec son médecin, pris sa décision après un temps de réflexion très long et manifesté de l'hésitation et de l'anxiété avant l'opération ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la juridiction du second degré a retenu que cet ensemble de présomptions, au sens de l'article 1353 du Code civil, démontrait que Mme L. avait informé sa patiente du risque grave d'embolie gazeuse inhérent à la coelioscopie ; qu'ainsi, et abstraction faite des motifs critiqués par les 1°, 2°, 6° et 7° branches du moyen, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts G. aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme L..

Sur le rapport de M. Sargos, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat des consorts G., de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de Mme L., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général. M. LEMONTEY, Président.

La Cour de cassation, Première chambre civile, 7 octobre 1998

Arrêt n° 1567. Cassation.

Pourvoi n° 97-10.267.

 

 

Sur le pourvoi formé par Mme Catherine Castagnet, demeurant?,

en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1996 par la Cour d'appel de Lyon (1re Chambre), au profit :

1°/ de la Clinique du Parc, dont le siège est?,

2°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, dont le siège est?,

3°/ de M. L.,

4°/ de M. G.,

demeurant tous deux?,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Moyen produit par la SCP Vier et Barthélémy, avocat aux Conseils pour Mme Castagnet.

MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame CASTAGNET de l'ensemble de sa demande,

1. AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des conclusions de l'expert TOLOT qui ne sont pas sérieusement contredites par Madame CASTAGNET laquelle ne sollicite pas de contre-expertise que les soins postopératoires prodigués par les médecins ont été diligents et prudents et qu'il n'y a pas eu défaut de surveillance de la part de ces derniers ;

ET AU MOTIF ADOPTE DES PREMIERS JUGES QUE le traitement a été mis en ?uvre dès la confirmation du diagnostic de la thrombose ;

ALORS QUE, D'UNE PART, viciant son arrêt d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la Cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen péremptoire soulevé par Madame CASTAGNET dans ses conclusions d'appel pris de ce qu'aucune investigation sur le problème à l'?il survenu dans l'après-midi n'avait été effectuée avant le début de la soirée, moment où l'atteinte du nerf optique était malheureusement irréversible et de ce que la valeur du traitement mis en place à ce moment n'est pas mise en cause, l'appréciation de la faute reposant uniquement sur la question de savoir si sa mise en ?uvre immédiate aurait permis de résoudre la complication postopératoire (conclusions d'appel p. 6, alinéas 1 à 6) ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, il résulte de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'en énonçant que Madame CASTAGNET "ne sollicite pas de contre-expertise", la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de cette dernière qui tout au contraire sollicitait expressément une contre-expertise à la fois sur les fautes des médecins et sur le préjudice (conclusions d'appel p. 8, 9 et 10) ;

2. AUX MOTIFS PROPRES QUE l'information n'est exigée que pour des risques normalement prévisibles ; que la complication survenue est très rare ; que dès lors le chirurgien n'avait pas à en avertir Madame CASTAGNET ;

ALORS QUE, D'UNE PART, il résulte des dispositions de l'article 1147 du Code civil que l'obligation matérielle de délivrance des informations de nature à éclairer son client dans ses décisions qui pèse sur le médecin est une obligation de résultat, laquelle emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ; que c'est donc sur le débiteur de l'obligation d'information que pèse la charge de prouver qu'il a satisfait à cette obligation en portant l'information à la connaissance de son client ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le chirurgien a omis d'informer sa patiente du risque de complication de thrombophlébite du sinus caverneux ; qu'en écartant néanmoins sa responsabilité dans le dommage subi par Madame CASTAGNET, la Cour d'appel a statué au mépris de la présomption de causalité entre la faute de défaut d'information et le dommage qui s'attache à l'obligation de résultat et a violé par refus d'application l'article 1147 du Code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, viciant à nouveau son arrêt d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile sur ce point, la Cour d'appel a omis de répondre au moyen déterminant soulevé par Madame CASTAGNET dans ses écritures d'appel tiré de ce que "l'absence d'information sur un risque même réduit mais banal engage bien la responsabilité du Docteur L. (...) puisque Madame CASTAGNET a été privée des éléments nécessaires à une décision éclairée" et de ce que "le lien de causalité est établi à l'encontre du Docteur L. qui a omis d'informer exactement Madame CASTAGNET sur les risques encourus du fait de l'intervention chirurgicale et lui a ainsi fait perdre la chance d'un consentement éclairé" (conclusions d'appel p. 7, dernier alinéa et p. 8, alinéa 4).

LA COUR, en l'audience publique du 8 juillet 1998. Attendu que, victime le 3 avril 1985 d'une chute lui ayant causé une fracture de la deuxième vertèbre lombaire, Mme CASTAGNET a, en raison d'une cyphose lombaire persistante, subi le 3 février 1987, dans la matinée, une intervention, pratiquée par M. L., chirurgien à la Clinique du Parc, consistant en la mise en place d'un cadre de Hartchild ; que dans un deuxième temps cette intervention devait être suivie d'une greffe vertébrale ; que, dans l'après-midi, des troubles de l'?il gauche se sont manifestés ; que, dès qu'il a été averti, M. L. est venu au chevet de Mme CASTAGNET, a modifié la thérapeutique prescrite et a organisé une consultation ophtalmologique en urgence ; que le diagnostic de thrombose du sinus caverneux a été confirmé ; que cette affection a eu pour conséquence la perte fonctionnelle définitive de l'?il ; qu'invoquant une faute médicale dans la surveillance postopératoire de la part de l'anesthésiste M. G., du chirurgien, ainsi que du personnel de la clinique qui n'aurait pas provoqué l'intervention immédiate de M. L. ou de toute autre personne qualifiée, Mme CASTAGNET a recherché leur responsabilité ; qu'en cause d'appel, elle a prétendu que M. L. avait manqué à son devoir d'information en ne l'avertissant pas du risque encouru ; que l'arrêt attaqué, confirmatif du chef de l'absence de faute a débouté Mme CASTAGNET de l'ensemble de ses demandes ;

Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :

Attendu que Mme CASTAGNET fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, de première part, que la Cour d'appel se serait abstenue de répondre au moyen pris de ce que l'investigation sur le problème de l'?il survenu dans l'après-midi n'avait été effectuée qu'au début de la soirée, moment où l'atteinte du nerf optique était irréversible ; alors, de deuxième part, qu'en énonçant que Mme CASTAGNET "ne sollicite pas de contre-expertise", la Cour d'appel aurait dénaturé les conclusions qui sollicitaient expressément une contre-expertise à la fois sur les fautes des médecins et sur le préjudice ;

Mais attendu, d'abord, que, par motifs adoptés, la Cour d'appel a retenu que le retard invoqué par Mme CASTAGNET