CA Rennes 10 juin 1987, Chalutier �  Ile aux moines �

 

Note de Aur�lie Grosso

 

Les donn�es du litige

 

Faits :

 

Suite � de mauvais r�sultats de p�che, Monsieur ROUSSELOT, Capitaine du thonier � l�Ile aux moines � arm� par la soci�t� CAPA, subit une baisse de salaires (de trois fois et demie la part d�un matelot � trois � bord et une lors des cong�s) � partir du 1er ao�t 1983. Par ailleurs, ayant commis une faute de vigilance dans l�avitaillement du navire en novembre 1983 et ayant d�cid� de prendre ses vacances le 22 d�cembre 1983 sans avertir la soci�t� CAPA, il est licenci� par celle-ci le 2 f�vrier 1984. 

Alors, monsieur ROUSSELOT assigne l�armateur en paiement des arri�r�s de salaires et en dommages-int�r�ts pour licenciement abusif.

 

Proc�dure :

 

Le Tribunal de commerce de Quimper, dans un jugement du 27 septembre 1985, condamne l�armateur � verser au capitaine du chalutier les arri�r�s de salaires et des dommages-int�r�ts pour licenciement injustifi�.

Un appel est interjet� contre la d�cision du Tribunal de commerce de Quimper. Le Capitaine demande le paiement des sommes dues et ses dommages int�r�ts pour cong�diement injustifi�. La soci�t� quant �  elle, r�clame des dommages-int�r�ts en r�paration du pr�judice subi en raison de l�absence du Capitaine.

 

 

La d�cision de la Cour d�appel

 

Contenu de la d�cision  :

 

Dans son arr�t du 10 juin 1987, la Cour d�appel de Rennes, rappelle tout d�abord la situation et l�autorit� particuli�res du capitaine. Ensuite, consid�rant que la diminution des r�sultats de p�che enregistr�s ne constitue pas une justification suffisante pour une diminution de salaires, condamne la soci�t� CAPA � verser le compl�ment de r�mun�ration due sur la base des r�mun�rations pratiqu�es jusque l�. Quant au cong�diement du Capitaine, la Cour d�appel estime que le ce dernier n�a pas d�montr� le caract�re abusif de son licenciement et rejette sa demande en dommages-int�r�ts. Enfin, la Cour d�appel d�cide que le d�faut de vigilance reproch� au Capitaine ne peut justifier sa condamnation � des dommages-int�r�ts car le pr�judice invoqu� est impr�cis et que l�armement a contribu� pour partie � sa r�alisation.

 

 

Port�e de la d�cision :

 

La situation particuli�re du capitaine

 

La Cour d�appel de Rennes r�affirme la condition propre au Capitaine, r�sultant de son r�le de  conducteur du navire, de ses attributions administratives et disciplinaires, et de sa qualit� de mandataire de l�armateur. Cette conception correspond � celle largement admise aujourd�hui,  notamment pour la fonction du Capitaine qui est souvent d�fini comme celui � qui exerce r�guli�rement en fait le commandement d�un b�timent, quels que soient le tonnage, l�affectation et l�effectif � (Cour de cassation 15 mars 1972). Le principe �nonc� trouve des effets sur les deux principaux probl�mes envisag�s dans l�arr�t �tudi� : la retenue de salaires et le cong�diement du Capitaine.

 

La question de la r�mun�ration

 

Le droit social maritime reconna�t aux employeurs un droit de retenues sur salaires dans certaines situations qui peuvent avoir de graves cons�quences en mati�re maritime. Ainsi, en vertu de l�article 48 du code du travail maritime, une absence sans autorisation entra�ne t elle une perte du droit au salaire pour la p�riode donn�e, et �ventuellement le droit � des dommages-int�r�ts pour l�armateur. Il convient de souligner que les salaires d�j� dus ne sont pas conserv�s par l�armateur mais vers�s � la caisse des gens de mer. Or l�article 48 n�est pas applicable au Capitaine, et en r�ponse des mauvais r�sultats de p�che ou des n�gligences du capitaine, l�armateur ne pouvait envisager une modification substantielle ou une rupture du contrat (solution retenue par l�armateur au d�but de 1984). De plus, il semble que l�armateur n�invoque pas l�article 107 du CTM qui l�autorise certains pr�l�vements sur les r�mun�rations autres que les sommes fixes, en contrepartie des sommes dues en qualit� de mandataire commercial. C�est donc logiquement que la Cour d�appel constate que la r�duction de la r�mun�ration de la r�mun�ration n�est pas justifi�e et ordonne le versement des sommes dues.

 

Le cong�diement du Capitaine

 

L�article 4 de la loi du 3 janvier 1969 dispose que le Capitaine est le pr�pos� et le repr�sentant de l�armateur. Cette consid�ration ainsi que la n�cessit� de la confiance particuli�re de l�armateur envers le Capitaine justifiaient la r�vocabilit� du Capitaine � tout moment. Toutefois, article 109 du CTM  tout en reconnaissant le principe de libre cong�diement du Capitaine, assure une certaine protection du Capitaine qui peut obtenir des dommages-int�r�ts en cas de renvoi injustifi�. L�appr�ciation du caract�re injustifi� du licenciement appartient aux juges. Certains auteurs ont soutenu que la jurisprudence tendait � assimiler la notion de renvoi injustifi� � celle de licenciement abusif, notion qui insiste sur l�aspect humiliant ou malveillant des conditions dans lesquelles. La cour d�appel en l�esp�ce juge le cong�diement de Monsieur Rousselot non-injustifi� dans des circonstances similaires aux �l�ments constituant une cause r�elle et s�rieuse. Monsieur Rousselot invoquait trois motifs expliquant sa d�cision de prendre des vacances et remettant ainsi en cause la justification de son licenciement :  une autorisation de l�armateur, l�impossibilit� de congeler une �ventuelle p�che et l�absence d�esp�rance de p�che. Mais les raisons avanc�es par le Capitaine sont d�menties par des t�moignages ou des constations contraires qui conduisent la Cour d�appel a jug� que le capitaine n�a pas pu d�montrer le caract�re injustifi� et le d�boute de sa demande de dommages-int�r�ts.

Enfin, il faut souligner l��volution l�gislative intervenue en mati�re de licenciement du Capitaine, qui a modifi� l�article 109 du code du travail. En effet, dans un premier temps, la Loi n�96-151 du 26 f�vrier 1996 art. 23) assimile le Capitaine � tout autre marin en pr�voyant que � le contrat d'engagement maritime conclu entre un armateur et un capitaine prend fin dans les conditions fix�es au titre V �, c�est � dire les conditions et la proc�dure de cong�diement des marins.  Le Capitaine peut donc b�n�ficier des garanties et droits du droit commun. Cependant, l�article 50 de la Loi n�97-1051 du 18 novembre 1997 ajoute un deuxi�me alin�a � l�article 109 du code du travail maritime qui dispose que  � l'application des dispositions du mandat confi� au capitaine par l'armateur est ind�pendante de la proc�dure de licenciement du capitaine �. Cette derni�re modification r�introduit le caract�re discr�tionnaire, conforme aux principes g�n�raux du mandat, qui �tait dans l�ancien article 109.

Ces consid�rations illustrent la sp�cificit� du statut juridique (d�fini aux articles 103 et suivants du code du travail maritime) du capitaine, qui est � la fois le mandataire commercial et le salari� de  l�armateur.