Droit à l'image

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Droit à l'image et droit de l'image
Philippe GAUVIN, CNDP. Division des affaires juridiques


Droit à l'image et droit de l'image 259 ko Autorisation de captation 17 KO

Sommaire
INTRODUCTION

I – Risques juridiques liés à l’utilisation illégale ou irrégulière de l’image

I - 1. Risque civil
I - 2. Risque pénal
I - 2.1. Atteinte à la vie privée
I - 2.2. Contrefaçon d’une œuvre
I - 3. Perte de la qualité de fonctionnaire

II – Le droit à l’image

II – 1. Eléments constitutifs de la personnalité
II – 1.1. Eléments protégés juridiquement
II – 1.2. Eléments difficilement protégeables
II – 2. Un droit attaché à la personne
II – 2.1. Droit extrapatrimonial
II – 2.2. Droit patrimonial
II – 3. Un droit d’étendue variable
II – 3.1. Un droit protégé
II – 3.2. Un droit réservé à une minorité ?
II – 3.3. Le droit à l’image dans le cadre scolaire

III – Droit de l’image

III – 1. Eléments juridiques attachés au droit d’auteur
III – 2. Caractéristiques du droit d’auteur
III – 2.1. Définition de l’auteur
III – 2.1.1. Les différents auteurs
III – 2.1.2. L’auteur agent public
III – 2.2. Droit moral
III – 2.3. Droits patrimoniaux
III – 3. Limites et exceptions du droit d’auteur
III – 4. Cas particulier des logiciels et des bases de données, et du « libre »
III – 4.1. Licences d’utilisation
III – 4.2. La notion de « liberté de droit »
III – 5. Durée de protection des auteurs
III – 6. Les droits voisins du droit d’auteur
III – 6.1. Les droits voisins
III – 6.2. Durée de protection

CONCLUSION

ANNEXES

1. Tableau récapitulatif des sanctions encourues
2. Tableau récapitulatif de la durée de protection des droits
3. Grille d’analyse
4. Sociétés de gestion collective des droits classées par thème
5. Sites mettant à disposition des images «libres de droit»
6. L’espace numérique des Savoirs

Autorisation de captation dans les établissements scolaires





INTRODUCTION
Les établissements scolaires ont été amenés, avec l’utilisation croissante de l’informatique et de l’internet, à utiliser de plus en plus d’images confectionnées par l’établissement lui-même ou captées par scanner ou réseau.

Le cadre juridique touchant l’image est complexe, car il fait intervenir plusieurs corpus juridiques : droit pénal, droit civil, droit de la propriété intellectuelle, droit administratif. Les responsables pédagogiques et juridiques des établissements doivent tenir compte de l’ensemble des interactions entre les acteurs du système pour garantir l’institution et ses responsables, ainsi que les usagers du service, dans leurs droits. Il s’agit donc de définir les connaissances à avoir pour développer une culture professionnelle par rapport à l’utilisation d’images, celle-ci ne se faisant pas uniquement dans le cadre des technologies de l’information.

Les acteurs à sensibiliser sont multiples :

institutionnels : représentants académiques, chefs d’établissements, responsables disciplinaires. La prégnance de l’objectif pédagogique fait parfois éluder aux responsables administratifs et pédagogiques leurs obligations au regard du droit et omettre de prévoir les moyens nécessaires au respect des droits de la personnalité et des auteurs d’images ;

usagers : élèves, parents d’élèves. Dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté, l’éducation à l’image, à son image, à son utilisation, a une place importante à laquelle tant les élèves que les parents doivent être sensibilisés ;

tiers : les fournisseurs, les organes de presse peuvent être intéressés par l’usage d’images dont les sujets peuvent être des créations d’élèves, d’agents publics, voir ces personnes elles-mêmes. Là encore, certaines règles sont à respecter pour garantir les droits des intéressés.

Les technologies de l’information n’ont dans les faits rien et tout modifié. Rien n’a changé au niveau juridique, les règles applicables à l’heure actuelle, hormis des adaptations spécifiques aux logiciels et bases de données, sont identiques à celles qui l’étaient avant l’entrée de l’informatique et d’internet dans les établissements scolaires. Mais l’usage de l’informatique et de moyens de communication rapides et faciles d’utilisation a tout changé en rendant possible une multiplicité d’usages simultanés de l’image.

Après avoir rapidement étudié les risques encourus par les personnes tant morales que physiques (I) qui ne respecteraient pas les droits liés à l’image, les composantes du droit à l’image (II) permettront de déboucher sur une étude plus approfondie du droit de l’image (III).



I – Risques juridiques liés à l’utilisation illégale ou irrégulière de l’image
L’utilisation non autorisée d’images de choses ou de personnes fait courir à l’utilisateur le risque d’être condamné civilement et pénalement. De plus, la qualité de fonctionnaire peut être perdue à l’occasion d’une condamnation.

I - 1. Risque civil
L’article 9 du Code civil stipule :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée (loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens ).
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

L’usage sans son autorisation de l’image d’une personne dans le cadre de sa vie privée peut donc entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’utilisateur.

Il faut pour cela que la preuve de l’existence d’un préjudice constitutif d’une atteinte à la vie privée soit faite.

La condamnation peut recouvrir la forme de dommages et intérêts, de saisie des biens incriminés, de publication judiciaire dans un organe de presse.

Si l’usage fait apparaître en plus une intention de nuire, l’affaire sera alors traitée au pénal.

Concernant les images considérées en tant qu’œuvres, l’usage non autorisé constitutif du délit de contrefaçon peut entraîner la condamnation de la personne morale et/ou physique au versement de dommages et intérêts.



I - 2. Risque pénal
I - 2.1. Atteinte à la vie privée
L’intention de nuire n’est pas obligatoirement nécessaire à la pénalisation d’une atteinte à l’image d’une personne.

L’article 1382 du Code civil prévoit : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »

Cet article peut être invoqué par toute victime d’un préjudice quelles que soient les circonstances, toutefois, pour obtenir réparation, la victime doit apporter la preuve de trois éléments :

la faute ;
le dommage ;
le lien de causalité

La faute lourde est la faute commise avec intention de nuire.

L’usage de l’image d’une personne avec intention de nuire est donc passible de plusieurs sanctions pénales :

article 226-1 : un an d’emprisonnement et 45 000,00 euros d’amende pour atteinte à la vie privée en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ;

article 226-2 : un an d’emprisonnement et 45 000,00 euros d’amende pour conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu dans les conditions prévues à l’article 226-1 du Code pénal ; si l’infraction est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la presse ;

article 226-8 : un an d’emprisonnement et 15 000,00 euros d’amende pour publication, par quelque voie que ce soit, d’un montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention ; si l’infraction est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la presse.

Pour les personnes présumées innocentes dont une image serait diffusée alors qu’elles sont menottées, la peine encourue est de 15 000,00 € d’amende (art. 35 ter I de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse).

Pour les victimes d’attentat dont il aurait été porté atteinte à la dignité, la peine encourue est de 15 000,00 € d’amende (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse).

De plus, la loi informatique et liberté 78-17 du 6 janvier 1978 réprime fortement l’usage illégal de données nominatives tant sur fichier informatique que sur fichier mécanographique, ainsi que leurs divulgations lorsqu’elle porte atteinte aux personnes (peines de 5 ans de prison et de 300 000,00 € d’amende ; article 226-17 et suivants du code pénal).

I - 2.2. Contrefaçon d’une œuvre
Tout acte de représentation ou de reproduction d’une oeuvre, sans l'accord des auteurs ou de leurs ayants droit, est illicite et constitue le délit de contrefaçon, délit pénal sévèrement réprimé (cf. les articles L. 335.2 et suivants du CPI).

Les sanctions encourues sont précisées dans les mêmes articles : « La contrefaçon en France est punie de deux ans d'emprisonnement et de 150 000,00 euros d'amende », sans préjudice d'éventuels dommages et intérêts.

Peuvent ainsi être engagées, suivant les cas de l’espèce, aussi bien la responsabilité pénale personnelle des agents mis en cause que la responsabilité pénale des personnes morales (art. 226-7 du Code pénal).



I - 3. Perte de la qualité de fonctionnaire
La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose en son article 24 :

« La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte :

1° de l'admission à la retraite;
2° de la démission régulièrement acceptée;
3° du licenciement;
4° de la révocation.

La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l'interdiction par décision de justice d'exercer un emploi public et la non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité produisent les mêmes effets. Toutefois, l'intéressé peut solliciter auprès de l'autorité ayant pouvoir de nomination, qui recueille l'avis de la commission administrative paritaire, sa réintégration à l'issue de la période de privation des droits civiques ou de la période d'interdiction d'exercer un emploi public ou en cas de réintégration dans la nationalité française. »

Suivant l’infraction commise par l’agent public dans le cadre de ses fonctions à l’occasion de l’usage d’images de choses ou de personnes, en particulier si l’acte a porté atteinte à la mission de service public confiée par l’Etat, a été diffamatoire, le juge peut appliquer les dispositions de l’article 226-31 du Code pénal (privation des droits civiques, interdiction d’exercer un emploi public).

Les affaires portées devant les tribunaux sont nombreuses, aussi la connaissance des règles applicables en matière de droit à l’image et de droit de l’image est indispensable au développement de réflexes et de pratiques professionnelles.



II – Le droit à l’image
Le droit à l’image est un droit qui s’est développé récemment, sous l’influence du développement d’une conception consumériste de la société par les individus qui la composent dans les pays occidentaux. Tout devient monnayable, y compris ce qui juridiquement a été conçu pour ne pas l’être.

La conception française du droit de la personne est fondée sur une intangibilité de celle-ci. Les éléments constitutifs de la personnalité ne doivent pas être altérés par quoi que ce soit, non plus par la volonté de la personne qui en bénéficie.

Cette conception idéaliste du Code civil s’est heurtée cependant à la réalité et les droits attachés à la personne sont en réalité organisés par ce même code en droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

La garantie de ces droits, protégés dans le cadre de la vie privée, varie cependant selon « l’étendue » de la personnalité.



II – 1. Eléments constitutifs de la personnalité
La personnalité d’un individu est constituée d’éléments juridiques qui doivent permettre de dégager l’originalité d’un individu, ce qui permet de le différencier à coup sûr de ses congénères. Toutes les caractéristiques de la personnalité ne sont cependant pas protégées par le droit.

II – 1.1. Eléments protégés juridiquement
En France, le nom est certainement l’élément fondateur de la personnalité. Accolé au prénom, voire aux prénoms, il définit l’identité de l’individu, celle-ci pouvant être précisée par des éléments physiques : taille, couleur des yeux, signes distinctifs (grains de beauté, taches cutanées, handicaps, …).

Cependant, le nom et le ou les prénoms ne suffisent pas à définir la personnalité.

Un surnom peut être un élément constitutif de la personnalité, et peut, après un certain temps, se substituer au nom, quand l’usage a fait oublier ce dernier (cf artistes utilisant des pseudonymes).

Le nom est acquis par donation du père traditionnellement quand l’enfant a été reconnu. La perte du nom de la mère a entraîné une raréfaction des noms en France, d’où un problème croissant d’identification des personnes par multiplication des cas d’homonymie. C’est pourquoi le législateur a adopté une loi en 2002 visant à permettre aux parents de choisir le nom que portera l’enfant entre celui du père et celui de la mère, l’enfant lui-même ayant possibilité à sa majorité de choisir lequel des deux noms il souhaite conserver.

Il faut garder à l’esprit que le nom n’est pas forcément le moyen unique d’identification de l’individu. Certains systèmes tribaux privilégient l’appartenance au groupe sur l’identité de l’individu. L’identité individuelle est alors confondue avec celle du groupe, de la tribu. L’individu est réputé acquérir au cours de son existence les caractéristiques du groupe d’appartenance.

De même, l’identification d’un individu peut se faire au travers de marques corporelles (scarifications, brûlures, peintures, bijoux) permettant d’identifier au sein du groupe sa famille d’appartenance, voire son métier ou son rang dans la fratrie.

Outre le nom, la voix, les empreintes digitales de l’individu sont des éléments caractéristiques de sa personnalité protégés par le droit. Ces caractéristiques physiques sont devenues protégeables grâce aux progrès techniques, aux biotechnologies, qui ouvrent la voie à la découverte de nouveaux attributs de la personnalité que le droit peut s’approprier : iris de l’œil, oreilles, caractéristiques du visage.

II – 1.2. Eléments difficilement protégeables
Au sens commun, la personnalité d’un individu ne se résume pas à son nom ou à ses caractéristiques physiques mesurables par des appareils scientifiques.

Ainsi, l’image que va vouloir renvoyer un individu peut être considérée comme un élément de sa personnalité : untel portera presque toujours une chemise blanche largement ouverte, d’autres ne se vêtiront que de bleu ou de rose, d’autres encore ne se chausseront que de « plateform boots ».

Si ces caractéristiques sont facilement identifiables par le commun des mortels, elles ne sont cependant pas des éléments constitutifs de la personnalité au sens juridique. Elles sont des éléments extérieurs à l’individu, à sa substantifique moelle, à son essence. Ces éléments sont modifiables, et ne constituent qu’une apparence, qui si elle est caractéristique, n’en demeure pas moins étrangère à la notion de personnalité, fondement du droit à l’image.



II – 2. Un droit attaché à la personne
Le droit à l’image s’applique non pas à la défense physique de la personne, mais à la défense d’une des caractéristiques attachées à cette personne, son image. Avant d’étudier le cadre dans lequel cette image est protégée, il convient de définir les caractéristiques des droits de la personnalité.

I – 2.1. Droit extrapatrimonial
La conception française du droit de la personnalité est, à la base, assez idéaliste et veut détacher la personne de certaines réalités. Le droit établi par le Code civil vise essentiellement à protéger l’individu dans son essence même.

Le caractère extrapatrimonial des droits attachés à la personne se concrétise par trois principes.

Tout d’abord, le droit de la personnalité interdit quelque valorisation marchande de ce droit. Le nom, l’identité de la personne, n’a, en principe, pas de prix !

Ensuite, les droits de la personnalité sont incessibles. Nul ne peut céder son identité.

Enfin, les droits de la personnalité sont intransmissibles. Nul ne peut transmettre son identité.

Le respect de ces principes est directement en cause dans les problématiques de clonage liées au développement des biotechnologies. Qu’adviendrait-il si un clone revendiquait l’identité de sa souche, ou si un individu décidait de transmettre son identité à son clone ? Les héritiers se retrouveraient, mais ce n’est là qu’une conséquence matérielle, spoliés de leurs droits.

De même, et sans avoir recours à la prospective, que deviendrait un individu qui pourrait céder ses noms et prénoms, voire ses caractéristiques physiques à un tiers ? Quelle serait son identité ? Son unicité ?

Certes, un individu peut toujours, par sa réussite commerciale, faire de son nom une marque commerciale, et négocier cette dernière. Mais la vente d’une marque commerciale ne dépossède pas un individu de sa personnalité.

Si le Code civil a, sans le vouloir, anticipé sur les bouleversements éthiques que nous vivons aujourd’hui, il a aussi tenu compte de la nature humaine qui s’arrange toujours difficilement des principes fondamentaux et éthiques qui freine son esprit d’entreprise.

II – 2.2. Droit patrimonial
Si le fondement du droit de la personnalité est extrapatrimonial, la réalité fait que l’identité d’un individu est tout à fait monnayable en fonction de sa notoriété, de son habileté professionnelle, de la reconnaissance, justifiée ou non, d’un certain public.

En fonction de ces critères, une valorisation commerciale des attributs de la personnalité est toujours envisageable, sans que l’individu soit dépossédé de son identité. La valorisation du nom est fréquente, que ce soit au travers de la création de marques (vêtements, articles de sports) ou par valorisation de la valeur marchande attachée ou supposée attachée à un patronyme.

Outre la valorisation commerciale directe, la mise en place de politique de contrôle des attributs de la personnalité par certains individus qui y ont intérêt participe de cette tendance à la marchandisation de la personne : contrôle du droit d’usage de l’image, contrôle de l’exploitation commerciale, publicitaire d’une ou de toutes les composantes de la personnalité.

Si chaque individu possède, dès sa naissance, tous les attributs de la personnalité, et est de fait l’égal juridique des autres individus, l’étendue de la protection accordée à ces droits varie d’un individu à l’autre et également selon les circonstances d’exercice de ces droits.



II – 3. Un droit d’étendue variable
Le droit à l’image, à « son » image, est un droit protégé par le Code civil et le Code pénal. Cependant, cette protection est d’étendue variable.

II – 3.1. Un droit protégé
L’article 9 du Code civil prescrit :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

La première condition que pose le Code civil est que l’atteinte soit portée à la vie privée de l’individu. En d’autres termes, une image captée dans le cadre de la vie publique ne peut porter préjudice à quiconque.

Cependant, la vie privée et la vie publique ne sont pas strictement séparées pour qui que ce soit. Le juge, appréciant les cas qui lui sont soumis toujours in concreto, doit donc définir pour chaque espèce ce qui relève de la vie privée et/ou de la vie publique. Il ne suffit pas en effet d’être dans un lieu public pour que toute image puisse être captée, non plus que dans un lieu privé pour interdire cette prise d’image.

Le Code civil pose ensuite deux conditions :

il faut qu’un dommage soit subi ;
il faut que soit portée atteinte non seulement à la vie privée, mais surtout à l’intimité de la vie privée.

Concernant le dommage, il est généralement constitué par une atteinte morale, un préjudice moral. Son appréciation, qui va déterminer en grande partie le montant des dommages et intérêts et la peine éventuellement infligée en cas d’intention de nuire de la part de l’auteur, ne peut être effectuée que par le juge, qui doit évaluer cela en son âme et conscience et en « bon père de famille », en fonction des évolutions de la société.

L’atteinte doit ensuite porter sur l’intimité de la vie privée. Il faut donc que le préjudice porte sur une situation habituellement réservée au cadre privé, cachée, secrète, qu’il « endommage » en quelque sorte la continuation de la vie privée, qu’il mette en péril le déroulement normal de la vie de la victime.

Cette atteinte à un droit essentiellement moral, donc détaché des choses réelles, implique une certaine subjectivité dans l’appréciation de l’atteinte.

Cette subjectivité peut laisser penser que la protection de l’image est réservée à une minorité dont l’essentiel des revenus provient de la commercialisation de son image.

II – 3.2. Un droit réservé à une minorité ?
L’évaluation par le juge du préjudice subi par celui ou celle dont l’image, dans l’intimité de la vie privée, est atteinte, va porter principalement sur le préjudice moral subi, bien qu’un préjudice matériel puisse exister.

Ainsi, une riche héritière prise en photographie à son insu et sans son autorisation, alors qu’elle participait à une manifestation en 1968, dont l’image a fait la une d’un journal à la même époque, a de ce fait perdu son héritage. Elle a attaqué le journal et a évalué son préjudice à l’aune de l’héritage escompté.

Les gens célèbres peuvent apparaître comme les utilisateurs privilégiés de l’article 9 du Code civil, usage matérialisant la rançon de la gloire. Cependant, les personnages publics ne sont pas obligatoirement avantagés par leur notoriété, comme on pourrait facilement le penser. En effet, celle-ci peut entraîner une réduction de la sphère de la vie privée, et l’attitude de la victime célèbre jouera alors aux yeux du juge un rôle primordial.

S’il ne suffit pas d’être dans la rue pour être dans sa vie publique, il ne suffit pas non plus d’être dans sa maison ou son bureau pour être dans sa vie privée, dans son intimité.

Les hommes politiques voient, au nom du droit à l’information (Loi du 1er juillet 1881 modifiée dite Loi sur la liberté de la presse), la captation de leur image autorisée dès lors qu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions, qu’ils prononcent un discours, que cette captation soit effectuée dans les lieux publics ou dans des lieux privés.

La captation et la diffusion de l’image d’un couple d’amoureux célèbres dans la rue, a fortiori si leur relation est secrète ou inconnue de leurs conjoints respectifs, sans leur autorisation, relève du viol de leur vie privée. Mais s’ils se tiennent par la main lors d’une fête sur la Côte d’Azur, sachant qu’ils sont exposés aux objectifs de journalistes, même sans autorisation, la diffusion de leur image ne portera pas préjudice. Il en est de même pour un couple d’animateurs vedettes de chaînes de télévision commerciales dont les photographies de la vie privée, publiées avec leur autorisation par un journal, sont à nouveau publiées par un autre journal quelques temps après sans leur autorisation. Le second journal n’est pas fautif, les prétendues victimes ayant déjà autorisé que deviennent publics quelques moments de leur intimité.

Le juge doit donc dans ces cas d’exploitation de l’image de célébrités concilier en permanence deux principes fondamentaux, le droit au respect de la vie privée et le droit à l’information. En effet, compte tenu des sommes accordées par la juridiction judiciaire au titre des dommages et intérêts, certains peuvent avoir envie de mener une véritable politique de contrôle de leur image, afin de se créer des rentes rémunératrices, parfois incompatibles avec le droit à l’information.

Peut-on cependant au nom de ce dernier principe tout se permettre ? Tout n’est-il pas information ? Que devient le droit du journaliste d’investigation face au droit au respect de l’intimité de la vie privée ?

La loi Guigou de 2000 (loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes modifiée par la loi no 2002-307 du 4 mars 2002) a tranché pour certains cas délicats concernant les victimes d’attentat et les personnes engagées dans des procédures judiciaires et présumées innocentes en amendant la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Pour les présumés innocents, aucune photo avec menottes avant condamnation n’est autorisée (art. 35 ter I de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse, peine de 15 000,00 € d’amende).

Pour les victimes d’attentat (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse, peine de 15 000,00 € d’amende), il s’agit d’éviter que ne soient exposées à la vue de tous les personnes en position d’affaiblissement, en position d’infériorité du fait de leurs blessures. Le droit a hésité entre la préservation du droit à l’information (un des arguments des journalistes et photoreporters était qu’il fallait montrer toute l’horreur des attentats pour informer les lecteurs et dissuader les éventuels candidats poseurs de bombes) et la préservation de la vie privée des victimes, touchées au plus profond de leur intimité physique.

La loi du 29 juillet 1881 a tranché, en interdisant la prise et la diffusion d’images portant atteinte à la dignité des personnes. Mais la jurisprudence continue d’hésiter entre les deux principes, privilégiant tantôt l’un, tantôt l’autre, les victimes elles-mêmes étant parfois hésitantes entre leur volonté de se préserver et leur besoin de s’exposer pour montrer les conséquences de ces actes horribles.

Le 16 juillet 2003, une proposition de loi visant à donner un cadre juridique au droit à l'image et à concilier ce dernier avec la liberté d'expression présentée par MM. Patrick BLOCHE et Jean-Marc AYRAULT a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale. Cette proposition tend à inverser la logique du Code civil en autorisant l’usage de l’image des personnes et des biens tant que cela ne leur porte pas préjudice. Le texte ajouterait à l’article 9 du Code civil un article 9-2 disposant que :

«Chacun a un droit à l'image sur sa personne. Le droit à l'image d'une personne est le droit que chacun possède sur la reproduction ou l'utilisation de sa propre image. L'image d'une personne peut toutefois être reproduite ou utilisée dès lors qu'il n'en résulte aucun préjudice réel et sérieux pour celle-ci. »

Transposé dans le domaine des biens, la proposition créerait également un article 544-1 du Code civil qui disposerait :

« Chacun a droit au respect de l'image des biens dont il est propriétaire. Toutefois, la responsabilité de l'