Consultez le lien suivant : ---> http://savoirscdi.cndp.fr/rencontrelyon/gauvin/gauvin.pdf <--- ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Droit à l'image et droit de l'image Philippe GAUVIN, CNDP. Division des affaires juridiques Droit à l'image et droit de l'image 259 ko Autorisation de captation 17 KO Sommaire INTRODUCTION I Risques juridiques liés à lutilisation illégale ou irrégulière de limage I - 1. Risque civil I - 2. Risque pénal I - 2.1. Atteinte à la vie privée I - 2.2. Contrefaçon dune uvre I - 3. Perte de la qualité de fonctionnaire II Le droit à limage II 1. Eléments constitutifs de la personnalité II 1.1. Eléments protégés juridiquement II 1.2. Eléments difficilement protégeables II 2. Un droit attaché à la personne II 2.1. Droit extrapatrimonial II 2.2. Droit patrimonial II 3. Un droit détendue variable II 3.1. Un droit protégé II 3.2. Un droit réservé à une minorité ? II 3.3. Le droit à limage dans le cadre scolaire III Droit de limage III 1. Eléments juridiques attachés au droit dauteur III 2. Caractéristiques du droit dauteur III 2.1. Définition de lauteur III 2.1.1. Les différents auteurs III 2.1.2. Lauteur agent public III 2.2. Droit moral III 2.3. Droits patrimoniaux III 3. Limites et exceptions du droit dauteur III 4. Cas particulier des logiciels et des bases de données, et du « libre » III 4.1. Licences dutilisation III 4.2. La notion de « liberté de droit » III 5. Durée de protection des auteurs III 6. Les droits voisins du droit dauteur III 6.1. Les droits voisins III 6.2. Durée de protection CONCLUSION ANNEXES 1. Tableau récapitulatif des sanctions encourues 2. Tableau récapitulatif de la durée de protection des droits 3. Grille danalyse 4. Sociétés de gestion collective des droits classées par thème 5. Sites mettant à disposition des images «libres de droit» 6. Lespace numérique des Savoirs Autorisation de captation dans les établissements scolaires INTRODUCTION Les établissements scolaires ont été amenés, avec lutilisation croissante de linformatique et de linternet, à utiliser de plus en plus dimages confectionnées par létablissement lui-même ou captées par scanner ou réseau. Le cadre juridique touchant limage est complexe, car il fait intervenir plusieurs corpus juridiques : droit pénal, droit civil, droit de la propriété intellectuelle, droit administratif. Les responsables pédagogiques et juridiques des établissements doivent tenir compte de lensemble des interactions entre les acteurs du système pour garantir linstitution et ses responsables, ainsi que les usagers du service, dans leurs droits. Il sagit donc de définir les connaissances à avoir pour développer une culture professionnelle par rapport à lutilisation dimages, celle-ci ne se faisant pas uniquement dans le cadre des technologies de linformation. Les acteurs à sensibiliser sont multiples : institutionnels : représentants académiques, chefs détablissements, responsables disciplinaires. La prégnance de lobjectif pédagogique fait parfois éluder aux responsables administratifs et pédagogiques leurs obligations au regard du droit et omettre de prévoir les moyens nécessaires au respect des droits de la personnalité et des auteurs dimages ; usagers : élèves, parents délèves. Dans le cadre de léducation à la citoyenneté, léducation à limage, à son image, à son utilisation, a une place importante à laquelle tant les élèves que les parents doivent être sensibilisés ; tiers : les fournisseurs, les organes de presse peuvent être intéressés par lusage dimages dont les sujets peuvent être des créations délèves, dagents publics, voir ces personnes elles-mêmes. Là encore, certaines règles sont à respecter pour garantir les droits des intéressés. Les technologies de linformation nont dans les faits rien et tout modifié. Rien na changé au niveau juridique, les règles applicables à lheure actuelle, hormis des adaptations spécifiques aux logiciels et bases de données, sont identiques à celles qui létaient avant lentrée de linformatique et dinternet dans les établissements scolaires. Mais lusage de linformatique et de moyens de communication rapides et faciles dutilisation a tout changé en rendant possible une multiplicité dusages simultanés de limage. Après avoir rapidement étudié les risques encourus par les personnes tant morales que physiques (I) qui ne respecteraient pas les droits liés à limage, les composantes du droit à limage (II) permettront de déboucher sur une étude plus approfondie du droit de limage (III). I Risques juridiques liés à lutilisation illégale ou irrégulière de limage Lutilisation non autorisée dimages de choses ou de personnes fait courir à lutilisateur le risque dêtre condamné civilement et pénalement. De plus, la qualité de fonctionnaire peut être perdue à loccasion dune condamnation. I - 1. Risque civil Larticle 9 du Code civil stipule : « Chacun a droit au respect de sa vie privée (loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens ). Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à lintimité de la vie privée : ces mesures peuvent, sil y a urgence, être ordonnées en référé. » Lusage sans son autorisation de limage dune personne dans le cadre de sa vie privée peut donc entraîner la mise en cause de la responsabilité de lutilisateur. Il faut pour cela que la preuve de lexistence dun préjudice constitutif dune atteinte à la vie privée soit faite. La condamnation peut recouvrir la forme de dommages et intérêts, de saisie des biens incriminés, de publication judiciaire dans un organe de presse. Si lusage fait apparaître en plus une intention de nuire, laffaire sera alors traitée au pénal. Concernant les images considérées en tant quuvres, lusage non autorisé constitutif du délit de contrefaçon peut entraîner la condamnation de la personne morale et/ou physique au versement de dommages et intérêts. I - 2. Risque pénal I - 2.1. Atteinte à la vie privée Lintention de nuire nest pas obligatoirement nécessaire à la pénalisation dune atteinte à limage dune personne. Larticle 1382 du Code civil prévoit : « Tout fait quelconque de lhomme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » Cet article peut être invoqué par toute victime dun préjudice quelles que soient les circonstances, toutefois, pour obtenir réparation, la victime doit apporter la preuve de trois éléments : la faute ; le dommage ; le lien de causalité La faute lourde est la faute commise avec intention de nuire. Lusage de limage dune personne avec intention de nuire est donc passible de plusieurs sanctions pénales : article 226-1 : un an demprisonnement et 45 000,00 euros damende pour atteinte à la vie privée en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de celle-ci limage dune personne se trouvant dans un lieu privé ; article 226-2 : un an demprisonnement et 45 000,00 euros damende pour conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou dun tiers ou utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu dans les conditions prévues à larticle 226-1 du Code pénal ; si linfraction est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la presse ; article 226-8 : un an demprisonnement et 15 000,00 euros damende pour publication, par quelque voie que ce soit, dun montage réalisé avec les paroles ou limage dune personne sans son consentement, sil napparaît pas à lévidence quil sagit dun montage ou sil nen est pas expressément fait mention ; si linfraction est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la presse. Pour les personnes présumées innocentes dont une image serait diffusée alors quelles sont menottées, la peine encourue est de 15 000,00 damende (art. 35 ter I de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse). Pour les victimes dattentat dont il aurait été porté atteinte à la dignité, la peine encourue est de 15 000,00 damende (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse). De plus, la loi informatique et liberté 78-17 du 6 janvier 1978 réprime fortement lusage illégal de données nominatives tant sur fichier informatique que sur fichier mécanographique, ainsi que leurs divulgations lorsquelle porte atteinte aux personnes (peines de 5 ans de prison et de 300 000,00 damende ; article 226-17 et suivants du code pénal). I - 2.2. Contrefaçon dune uvre Tout acte de représentation ou de reproduction dune oeuvre, sans l'accord des auteurs ou de leurs ayants droit, est illicite et constitue le délit de contrefaçon, délit pénal sévèrement réprimé (cf. les articles L. 335.2 et suivants du CPI). Les sanctions encourues sont précisées dans les mêmes articles : « La contrefaçon en France est punie de deux ans d'emprisonnement et de 150 000,00 euros d'amende », sans préjudice d'éventuels dommages et intérêts. Peuvent ainsi être engagées, suivant les cas de lespèce, aussi bien la responsabilité pénale personnelle des agents mis en cause que la responsabilité pénale des personnes morales (art. 226-7 du Code pénal). I - 3. Perte de la qualité de fonctionnaire La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose en son article 24 : « La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : 1° de l'admission à la retraite; 2° de la démission régulièrement acceptée; 3° du licenciement; 4° de la révocation. La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l'interdiction par décision de justice d'exercer un emploi public et la non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité produisent les mêmes effets. Toutefois, l'intéressé peut solliciter auprès de l'autorité ayant pouvoir de nomination, qui recueille l'avis de la commission administrative paritaire, sa réintégration à l'issue de la période de privation des droits civiques ou de la période d'interdiction d'exercer un emploi public ou en cas de réintégration dans la nationalité française. » Suivant linfraction commise par lagent public dans le cadre de ses fonctions à loccasion de lusage dimages de choses ou de personnes, en particulier si lacte a porté atteinte à la mission de service public confiée par lEtat, a été diffamatoire, le juge peut appliquer les dispositions de larticle 226-31 du Code pénal (privation des droits civiques, interdiction dexercer un emploi public). Les affaires portées devant les tribunaux sont nombreuses, aussi la connaissance des règles applicables en matière de droit à limage et de droit de limage est indispensable au développement de réflexes et de pratiques professionnelles. II Le droit à limage Le droit à limage est un droit qui sest développé récemment, sous linfluence du développement dune conception consumériste de la société par les individus qui la composent dans les pays occidentaux. Tout devient monnayable, y compris ce qui juridiquement a été conçu pour ne pas lêtre. La conception française du droit de la personne est fondée sur une intangibilité de celle-ci. Les éléments constitutifs de la personnalité ne doivent pas être altérés par quoi que ce soit, non plus par la volonté de la personne qui en bénéficie. Cette conception idéaliste du Code civil sest heurtée cependant à la réalité et les droits attachés à la personne sont en réalité organisés par ce même code en droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux. La garantie de ces droits, protégés dans le cadre de la vie privée, varie cependant selon « létendue » de la personnalité. II 1. Eléments constitutifs de la personnalité La personnalité dun individu est constituée déléments juridiques qui doivent permettre de dégager loriginalité dun individu, ce qui permet de le différencier à coup sûr de ses congénères. Toutes les caractéristiques de la personnalité ne sont cependant pas protégées par le droit. II 1.1. Eléments protégés juridiquement En France, le nom est certainement lélément fondateur de la personnalité. Accolé au prénom, voire aux prénoms, il définit lidentité de lindividu, celle-ci pouvant être précisée par des éléments physiques : taille, couleur des yeux, signes distinctifs (grains de beauté, taches cutanées, handicaps, ). Cependant, le nom et le ou les prénoms ne suffisent pas à définir la personnalité. Un surnom peut être un élément constitutif de la personnalité, et peut, après un certain temps, se substituer au nom, quand lusage a fait oublier ce dernier (cf artistes utilisant des pseudonymes). Le nom est acquis par donation du père traditionnellement quand lenfant a été reconnu. La perte du nom de la mère a entraîné une raréfaction des noms en France, doù un problème croissant didentification des personnes par multiplication des cas dhomonymie. Cest pourquoi le législateur a adopté une loi en 2002 visant à permettre aux parents de choisir le nom que portera lenfant entre celui du père et celui de la mère, lenfant lui-même ayant possibilité à sa majorité de choisir lequel des deux noms il souhaite conserver. Il faut garder à lesprit que le nom nest pas forcément le moyen unique didentification de lindividu. Certains systèmes tribaux privilégient lappartenance au groupe sur lidentité de lindividu. Lidentité individuelle est alors confondue avec celle du groupe, de la tribu. Lindividu est réputé acquérir au cours de son existence les caractéristiques du groupe dappartenance. De même, lidentification dun individu peut se faire au travers de marques corporelles (scarifications, brûlures, peintures, bijoux) permettant didentifier au sein du groupe sa famille dappartenance, voire son métier ou son rang dans la fratrie. Outre le nom, la voix, les empreintes digitales de lindividu sont des éléments caractéristiques de sa personnalité protégés par le droit. Ces caractéristiques physiques sont devenues protégeables grâce aux progrès techniques, aux biotechnologies, qui ouvrent la voie à la découverte de nouveaux attributs de la personnalité que le droit peut sapproprier : iris de lil, oreilles, caractéristiques du visage. II 1.2. Eléments difficilement protégeables Au sens commun, la personnalité dun individu ne se résume pas à son nom ou à ses caractéristiques physiques mesurables par des appareils scientifiques. Ainsi, limage que va vouloir renvoyer un individu peut être considérée comme un élément de sa personnalité : untel portera presque toujours une chemise blanche largement ouverte, dautres ne se vêtiront que de bleu ou de rose, dautres encore ne se chausseront que de « plateform boots ». Si ces caractéristiques sont facilement identifiables par le commun des mortels, elles ne sont cependant pas des éléments constitutifs de la personnalité au sens juridique. Elles sont des éléments extérieurs à lindividu, à sa substantifique moelle, à son essence. Ces éléments sont modifiables, et ne constituent quune apparence, qui si elle est caractéristique, nen demeure pas moins étrangère à la notion de personnalité, fondement du droit à limage. II 2. Un droit attaché à la personne Le droit à limage sapplique non pas à la défense physique de la personne, mais à la défense dune des caractéristiques attachées à cette personne, son image. Avant détudier le cadre dans lequel cette image est protégée, il convient de définir les caractéristiques des droits de la personnalité. I 2.1. Droit extrapatrimonial La conception française du droit de la personnalité est, à la base, assez idéaliste et veut détacher la personne de certaines réalités. Le droit établi par le Code civil vise essentiellement à protéger lindividu dans son essence même. Le caractère extrapatrimonial des droits attachés à la personne se concrétise par trois principes. Tout dabord, le droit de la personnalité interdit quelque valorisation marchande de ce droit. Le nom, lidentité de la personne, na, en principe, pas de prix ! Ensuite, les droits de la personnalité sont incessibles. Nul ne peut céder son identité. Enfin, les droits de la personnalité sont intransmissibles. Nul ne peut transmettre son identité. Le respect de ces principes est directement en cause dans les problématiques de clonage liées au développement des biotechnologies. Quadviendrait-il si un clone revendiquait lidentité de sa souche, ou si un individu décidait de transmettre son identité à son clone ? Les héritiers se retrouveraient, mais ce nest là quune conséquence matérielle, spoliés de leurs droits. De même, et sans avoir recours à la prospective, que deviendrait un individu qui pourrait céder ses noms et prénoms, voire ses caractéristiques physiques à un tiers ? Quelle serait son identité ? Son unicité ? Certes, un individu peut toujours, par sa réussite commerciale, faire de son nom une marque commerciale, et négocier cette dernière. Mais la vente dune marque commerciale ne dépossède pas un individu de sa personnalité. Si le Code civil a, sans le vouloir, anticipé sur les bouleversements éthiques que nous vivons aujourdhui, il a aussi tenu compte de la nature humaine qui sarrange toujours difficilement des principes fondamentaux et éthiques qui freine son esprit dentreprise. II 2.2. Droit patrimonial Si le fondement du droit de la personnalité est extrapatrimonial, la réalité fait que lidentité dun individu est tout à fait monnayable en fonction de sa notoriété, de son habileté professionnelle, de la reconnaissance, justifiée ou non, dun certain public. En fonction de ces critères, une valorisation commerciale des attributs de la personnalité est toujours envisageable, sans que lindividu soit dépossédé de son identité. La valorisation du nom est fréquente, que ce soit au travers de la création de marques (vêtements, articles de sports) ou par valorisation de la valeur marchande attachée ou supposée attachée à un patronyme. Outre la valorisation commerciale directe, la mise en place de politique de contrôle des attributs de la personnalité par certains individus qui y ont intérêt participe de cette tendance à la marchandisation de la personne : contrôle du droit dusage de limage, contrôle de lexploitation commerciale, publicitaire dune ou de toutes les composantes de la personnalité. Si chaque individu possède, dès sa naissance, tous les attributs de la personnalité, et est de fait légal juridique des autres individus, létendue de la protection accordée à ces droits varie dun individu à lautre et également selon les circonstances dexercice de ces droits. II 3. Un droit détendue variable Le droit à limage, à « son » image, est un droit protégé par le Code civil et le Code pénal. Cependant, cette protection est détendue variable. II 3.1. Un droit protégé Larticle 9 du Code civil prescrit : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à lintimité de la vie privée : ces mesures peuvent, sil y a urgence, être ordonnées en référé. » La première condition que pose le Code civil est que latteinte soit portée à la vie privée de lindividu. En dautres termes, une image captée dans le cadre de la vie publique ne peut porter préjudice à quiconque. Cependant, la vie privée et la vie publique ne sont pas strictement séparées pour qui que ce soit. Le juge, appréciant les cas qui lui sont soumis toujours in concreto, doit donc définir pour chaque espèce ce qui relève de la vie privée et/ou de la vie publique. Il ne suffit pas en effet dêtre dans un lieu public pour que toute image puisse être captée, non plus que dans un lieu privé pour interdire cette prise dimage. Le Code civil pose ensuite deux conditions : il faut quun dommage soit subi ; il faut que soit portée atteinte non seulement à la vie privée, mais surtout à lintimité de la vie privée. Concernant le dommage, il est généralement constitué par une atteinte morale, un préjudice moral. Son appréciation, qui va déterminer en grande partie le montant des dommages et intérêts et la peine éventuellement infligée en cas dintention de nuire de la part de lauteur, ne peut être effectuée que par le juge, qui doit évaluer cela en son âme et conscience et en « bon père de famille », en fonction des évolutions de la société. Latteinte doit ensuite porter sur lintimité de la vie privée. Il faut donc que le préjudice porte sur une situation habituellement réservée au cadre privé, cachée, secrète, quil « endommage » en quelque sorte la continuation de la vie privée, quil mette en péril le déroulement normal de la vie de la victime. Cette atteinte à un droit essentiellement moral, donc détaché des choses réelles, implique une certaine subjectivité dans lappréciation de latteinte. Cette subjectivité peut laisser penser que la protection de limage est réservée à une minorité dont lessentiel des revenus provient de la commercialisation de son image. II 3.2. Un droit réservé à une minorité ? Lévaluation par le juge du préjudice subi par celui ou celle dont limage, dans lintimité de la vie privée, est atteinte, va porter principalement sur le préjudice moral subi, bien quun préjudice matériel puisse exister. Ainsi, une riche héritière prise en photographie à son insu et sans son autorisation, alors quelle participait à une manifestation en 1968, dont limage a fait la une dun journal à la même époque, a de ce fait perdu son héritage. Elle a attaqué le journal et a évalué son préjudice à laune de lhéritage escompté. Les gens célèbres peuvent apparaître comme les utilisateurs privilégiés de larticle 9 du Code civil, usage matérialisant la rançon de la gloire. Cependant, les personnages publics ne sont pas obligatoirement avantagés par leur notoriété, comme on pourrait facilement le penser. En effet, celle-ci peut entraîner une réduction de la sphère de la vie privée, et lattitude de la victime célèbre jouera alors aux yeux du juge un rôle primordial. Sil ne suffit pas dêtre dans la rue pour être dans sa vie publique, il ne suffit pas non plus dêtre dans sa maison ou son bureau pour être dans sa vie privée, dans son intimité. Les hommes politiques voient, au nom du droit à linformation (Loi du 1er juillet 1881 modifiée dite Loi sur la liberté de la presse), la captation de leur image autorisée dès lors quils sont dans lexercice de leurs fonctions, quils prononcent un discours, que cette captation soit effectuée dans les lieux publics ou dans des lieux privés. La captation et la diffusion de limage dun couple damoureux célèbres dans la rue, a fortiori si leur relation est secrète ou inconnue de leurs conjoints respectifs, sans leur autorisation, relève du viol de leur vie privée. Mais sils se tiennent par la main lors dune fête sur la Côte dAzur, sachant quils sont exposés aux objectifs de journalistes, même sans autorisation, la diffusion de leur image ne portera pas préjudice. Il en est de même pour un couple danimateurs vedettes de chaînes de télévision commerciales dont les photographies de la vie privée, publiées avec leur autorisation par un journal, sont à nouveau publiées par un autre journal quelques temps après sans leur autorisation. Le second journal nest pas fautif, les prétendues victimes ayant déjà autorisé que deviennent publics quelques moments de leur intimité. Le juge doit donc dans ces cas dexploitation de limage de célébrités concilier en permanence deux principes fondamentaux, le droit au respect de la vie privée et le droit à linformation. En effet, compte tenu des sommes accordées par la juridiction judiciaire au titre des dommages et intérêts, certains peuvent avoir envie de mener une véritable politique de contrôle de leur image, afin de se créer des rentes rémunératrices, parfois incompatibles avec le droit à linformation. Peut-on cependant au nom de ce dernier principe tout se permettre ? Tout nest-il pas information ? Que devient le droit du journaliste dinvestigation face au droit au respect de lintimité de la vie privée ? La loi Guigou de 2000 (loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes modifiée par la loi no 2002-307 du 4 mars 2002) a tranché pour certains cas délicats concernant les victimes dattentat et les personnes engagées dans des procédures judiciaires et présumées innocentes en amendant la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Pour les présumés innocents, aucune photo avec menottes avant condamnation nest autorisée (art. 35 ter I de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse, peine de 15 000,00 damende). Pour les victimes dattentat (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse, peine de 15 000,00 damende), il sagit déviter que ne soient exposées à la vue de tous les personnes en position daffaiblissement, en position dinfériorité du fait de leurs blessures. Le droit a hésité entre la préservation du droit à linformation (un des arguments des journalistes et photoreporters était quil fallait montrer toute lhorreur des attentats pour informer les lecteurs et dissuader les éventuels candidats poseurs de bombes) et la préservation de la vie privée des victimes, touchées au plus profond de leur intimité physique. La loi du 29 juillet 1881 a tranché, en interdisant la prise et la diffusion dimages portant atteinte à la dignité des personnes. Mais la jurisprudence continue dhésiter entre les deux principes, privilégiant tantôt lun, tantôt lautre, les victimes elles-mêmes étant parfois hésitantes entre leur volonté de se préserver et leur besoin de sexposer pour montrer les conséquences de ces actes horribles. Le 16 juillet 2003, une proposition de loi visant à donner un cadre juridique au droit à l'image et à concilier ce dernier avec la liberté d'expression présentée par MM. Patrick BLOCHE et Jean-Marc AYRAULT a été déposée sur le bureau de lAssemblée nationale. Cette proposition tend à inverser la logique du Code civil en autorisant lusage de limage des personnes et des biens tant que cela ne leur porte pas préjudice. Le texte ajouterait à larticle 9 du Code civil un article 9-2 disposant que : «Chacun a un droit à l'image sur sa personne. Le droit à l'image d'une personne est le droit que chacun possède sur la reproduction ou l'utilisation de sa propre image. L'image d'une personne peut toutefois être reproduite ou utilisée dès lors qu'il n'en résulte aucun préjudice réel et sérieux pour celle-ci. » Transposé dans le domaine des biens, la proposition créerait également un article 544-1 du Code civil qui disposerait : « Chacun a droit au respect de l'image des biens dont il est propriétaire. Toutefois, la responsabilité de l' |