Les droits et les obligations des parties � un march� public

 

01/08/2004

Les parties � un march� public ont des droits et des obligations l'une envers l'autre. De plus, l'Administration partie � un march� public a aussi le droit de modifier de mani�re unilat�rale l'ex�cution du contrat m�me si aucune stipulation contractuelle ne lui reconna�t express�ment une telle pr�rogative.

 

Introduction

1. Les obligations du titulaire du march�

2. Les droits et les obligations de l'Administration

Conclusion

 

R�sum�

 

Le march� public produit des effets uniquement � l'�gard de ses cocontractants : l'Administration et le titulaire du march�. Les deux parties s'engagent � respecter leurs obligations mutuelles : tout march� est un contrat synallagmatique. Tout d'abord, le titulaire du march� a l'obligation d'ex�cuter personnellement le march� en respectant ses d�lais ainsi qu'en ex�cutant ses prescriptions. De plus, il a �galement l'obligation de tenir compte des obligations que l'Administration a le droit de lui imposer unilat�ralement pour permettre son ex�cution. En effet, en concluant un march� public, l'Administration dispose de droits dont elle peut se pr�valoir m�me si aucune stipulation du contrat ne le pr�voit express�ment. Toutefois, l'Administration a, quant � elle, l'obligation de pr�server l'int�r�t financier du titulaire du march�.

 

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Introduction

 

Comme tout contrat, le march� public a un effet relatif. En effet, il ne produit aucun effet � l'�gard d'un tiers sans son consentement (CAA Paris 30 janvier 2003, Association interentreprises d'hygi�ne et de s�curit� c/ R�gion Ile-de-France, soci�t� CBC: RFDA, 2003, 396) de m�me qu'il n'est pas possible de se r�f�rer � un contrat conclu avec un tiers pour l'application du march� (CE 1er avril 1998, Soci�t� anonyme Bec fr�res: no 156601). En cons�quence, les stipulations d'un march� public ont seulement pour effet de d�terminer les droits et les obligations de l'Administration (la personne publique cocontractante) et du titulaire du march�.

Les parties � un march� public doivent exprimer leur volont� de la mani�re la plus claire possible. Toutefois, si, en cas de litige, le sens d'une stipulation est obscure, le juge administratif interpr�te le contrat en cherchant � exprimer la commune intention des parties conform�ment � ce que prescrit l'article 1156 du Code civil (concl. Morisot sous CE Sect. 28 janvier 1977, Ministre des finances c/ Soci�t� Heurtey, AJDA, 1977, 395). Pour la d�terminer, le juge est libre de s'appuyer sur n'importe quel �l�ment de son choix. Le plus souvent, il se r�f�re aux travaux d'�laboration du contrat, � l'interpr�tation que les parties ont retenue de la clause litigieuse en pratique ou bien encore aux usages appliqu�s pour l'ex�cution des march�s similaires au march� litigieux.

A l'instar des contrats de droit priv�, le march� public a force obligatoire. Il constitue la loi des parties. Toutefois, conclure un march� public avec l'Administration est plus contraignant que conclure un contrat de droit priv�. En effet, le titulaire du march� n'accepte pas seulement d'ex�cuter les stipulations du contrat. Il s'engage aussi � appliquer les prescriptions que l'Administration a le droit de lui imposer. D�s lors, il convient de distinguer l'�tude des obligations du titulaire du march� (1) de l'examen des droits et des obligations de l'Administration partie � un march� public (2).

 

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1. Les obligations du titulaire du march�

 

Lorsqu'il conclut un march� public, le titulaire du march� se soumet � trois cat�gories d'obligations (1.1) dont l'Administration peut ais�ment obtenir la sanction si elles sont viol�es (1.2).

 

1.1 Typologie des obligations du titulaire du march�

 

Selon le professeur Braconnier, le titulaire du march� est enserr� dans trois types d'obligations. La premi�re peut �tre qualifi�e d'organique. En effet, le cocontractant de l'Administration est tenu d'ex�cuter personnellement le march� (1.1.1). Deuxi�mement, ce dernier doit respecter une obligation temporelle puisqu'il est tenu d'ex�cuter le march� dans les d�lais prescrits par le contrat (1.1.2). Enfin, troisi�mement, le titulaire du march� est soumis � des obligations mat�rielles en �tant contraint d'agir conform�ment aux prescriptions techniques impos�es par l'Administration (St�phane Braconnier, Droit des march�s publics, Impr. Nationale, 2002, p. 273-274) (3).

 

1.1.1 L'obligation d'ex�cuter personnellement le march�

 

Le titulaire d'un march� public a l'obligation d'ex�cuter personnellement le contrat. En effet, � l'instar des autres contrats administratifs, un march� public est un contrat conclu intuitu personae. Trois cons�quences r�sultent de l'application de ce principe. Tout d'abord, le titulaire d'un march� public ne peut conclure un contrat de sous-traitance que s'il respecte certaines conditions. Ensuite, la cession d'un march� public est strictement encadr�e. Enfin, l'entreprise titulaire d'un march� public est soumise � des r�gles particuli�res lorsqu'elle est plac�e en redressement ou en liquidation judiciaire.

 

1.1.1.1 La conclusion d'un contrat de sous-traitance

 

Le titulaire d'un march� public qui d�cide de conclure un ou plusieurs contrats avec un ou plusieurs sous-traitants est soumis � deux contraintes pr�vues par l'article 112 du Code des march�s publics. En effet, d'une part, les contrats de sous-traitance doivent uniquement avoir pour objet l'ex�cution de certaines parties de son march�. D'autre part, un contrat de sous-traitance ne peut �tre valablement conclu que si l'Administration a accept� le sous-traitant et agr�� ses conditions de paiement.

De plus, l'article 113 du Code des march�s publics dispose que le titulaire d'un march� est personnellement responsable de l'ex�cution de toutes les obligations r�sultant du contrat m�me s'il a eu recours � un sous-traitant pour ex�cuter une partie de ses obligations.

 

1.1.1.2 La cession du march� public

 

Ce th�me fait l'objet d'une �tude sp�cifique � laquelle il convient de se reporter.

 

1.1.1.3 Le redressement et la liquidation judiciaires de l'entreprise titulaire du march�

 

Une entreprise titulaire d'un march� public � l'encontre de laquelle est conduite une proc�dure collective au sens de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 peut ne plus �tre en mesure d'ex�cuter son engagement. Sous r�serve de certaines conditions, l'Administration a le droit de sanctionner son cocontractant si ce dernier ne parvient pas � ex�cuter personnellement ses obligations.

Tout d'abord, lorsque l'entreprise titulaire du march� est plac�e en redressement judiciaire apr�s avoir d�pos� son bilan, l'administrateur d�sign� par le tribunal de commerce est,en principe, le seul � pouvoir d�cider si l'entreprise poursuit l'ex�cution des contrats en cours (article L. 621-28, alin�a premier du Code de commerce ). D�s lors, deux situations sont envisageables. En premier lieu, si, dans un premier temps, l'administrateur de l'entreprise titulaire du march� d�cide que cette derni�re doit renoncer � ex�cuter son contrat, alors, dans un second temps, l'Administration dispose de la facult� de d�cider si le march� doit cesser d'�tre ex�cut� pour l'avenir. Elle r�silie alors le march�. En second lieu, si l'administrateur de l'entreprise plac�e en redressement judiciaire d�cide que cette derni�re doit poursuivre l'ex�cution du march�, alors, en principe, l'Administration n'a pas le droit de r�silier le march�. Une clause stipulant la r�siliation automatique du contrat en cas de placement de l'entreprise en redressement judiciaire est nulle conform�ment � ce que pr�voit le sixi�me alin�a de l'article L. 621-28 du Code de commerce. A d�faut de pouvoir r�silier unilat�ralement le contrat, l'Administration peut d�cider de mettre en r�gie le march� litigieux et ordonner sa r�adjudication � la folle ench�re (CE 21 septembre 1990, Pernot, SA des �tablissements Billiard, req. no 36520 ). La notification de la mise en r�gie doit �tre faite � l'administrateur de l'entreprise plac�e en redressement judiciaire pour �tre opposable � cette derni�re (CAA Paris 6 f�vrier 2001, Banque de Tahiti: no 97PA02554).

Ensuite, si l'entreprise titulaire est mise en liquidation judiciaire, l'Administration dispose du pouvoir de r�silier unilat�ralement le contrat. Le juge administratif a d�j� accept� de condamner l'entreprise titulaire d'un march� public dont la liquidation judiciaire a �t� prononc�e � r�parer le pr�judice que la r�siliation du march� a pu causer � l'Administration (CE 15 octobre 1965, Soci�t� entreprise P�rignon: Rec. p. 522; CE 4 mars 1981, C.H.R. de Limoges: Rec. p. 119 ). L'entreprise titulaire du march� n'a donc droit � aucune indemnit� si l'Administration d�cide de r�silier le contrat du fait de sa liquidation judiciaire.

 

1.1.2. L'obligation d'ex�cuter le march� dans les d�lais pr�vus

 

Un march� public comporte une dur�e et pr�voit fr�quemment des d�lais d'ex�cution que le titulaire a l'obligation de respecter.

 

1.1.2.1 La dur�e des march�s publics

 

En principe, la dur�e d'un march� public est �tablie par les parties au contrat. En effet, l'article 15 du Code des march�s publics ne leur impose aucune obligation. Il dispose seulement que la dur�e d'un march� est fix�e en tenant compte de la nature des prestations et de la n�cessit� d'une remise en concurrence p�riodique. Plus g�n�ralement, aucune disposition l�gislative ou r�glementaire ne pr�voit une dur�e d�termin�e pour les diff�rentes cat�gories de march�s publics.

Toutefois, par exception, il faut d�duire de l'article 15 du Code des march�s publics que quatre cat�gories de march�s ont une dur�e maximale que les cocontractants ne doivent pas d�passer. Premi�rement, les march�s compl�mentaires d'un march� initial pass� apr�s mise en concurrence destin�s, soit au renouvellement partiel de fournitures ou d'installations d'usage courant, soit � un compl�ment de fournitures ou � l'extension d'installations existantes, ont n�cessairement une dur�e maximale de trois ans d�s lors que le changement de fournisseur oblige l'Administration � acqu�rir un mat�riel de technique diff�rente entra�nant une incompatibilit� ou des difficult�s techniques d'utilisation et d'entretien excessives (article 35-IIII-1o-a du Code des march�s publics). Deuxi�mement, les march�s n�goci�s de services ou de travaux ayant pour objet la r�alisation de prestations similaires � celles d'un march� pr�c�dent ex�cut� par le m�me titulaire pass� sur appel d'offres et dont la mise en concurrence doit avoir pris en compte le montant total envisag� du march�, y compris les nouveaux services ou travaux, ont une dur�e qui ne peut �galement d�passer trois ans � compter de la notification du march� initial (article 35-III-2o du Code des march�s publics). Troisi�mement, les march�s relatifs � des op�rations de communication pass�s conform�ment � la proc�dure du dialogue comp�titif ne peuvent pas non plus avoir une dur�e sup�rieure � trois ans (article 68 du Code des march�s publics). Enfin, quatri�mement, les march�s � bons de commande sont pass�s pour une dur�e qui ne peut exc�der quatre ans. Toutefois, il est possible de d�roger � cette dur�e maximale dans des cas exceptionnels d�ment justifi�s, notamment par l'objet du march�. Dans ce cas, le march� conclu doit n�cessairement stipuler la dur�e maximale d'ex�cution des bons de commande (article 71-I du Code des march�s publics).

Conform�ment � ce que prescrit le dernier alin�a de l'article 79 du Code des march�s publics, la dur�e d'un march� public commence � courir � compter du jour o� le titulaire du march� a re�u la notification du march�. Dans le cas o� le march� contiendrait des conditions suspensives, il convient d'appliquer l'article 1181 du Code civil pour d�terminer la date � compter de laquelle court la dur�e d'ex�cution du contrat. Deux hypoth�ses doivent �tre distingu�es. D'une part, si le contrat stipule qu'il doit produire des effets seulement une fois survenu un �v�nement futur et incertain, la dur�e du contrat doit �tre comput�e � compter du jour o� cet �v�nement se produit. D'autre part, si les cocontractants d�cident que le contrat doit �tre ex�cut� � compter du jour o� ils ont connaissance d'un �v�nement dont ils ignorent s'il est d�j� r�alis�, le point de d�part du d�lai pour calculer la dur�e du march� est le jour o� les parties ont conclu le march�.

Les parties peuvent d�cider d'anticiper l'expiration du contrat en incluant dans le march� des clauses par lesquelles elles acceptent que le march� soit reconduit. Dans ce cas, il faut consid�rer que la reconduction du march� initial aboutit � la naissance d'un nouveau march�.

Une clause adopt�e pour permettre la reconduction d'un march� est licite uniquement si elle remplit trois conditions cumulatives pos�es par l'article 15 du Code des march�s publics. En premier lieu, les caract�ristiques du march� reconduit doivent �tre inchang�es par rapport � celles du march� initial. En deuxi�me lieu, le nombre de reconductions du contrat doit �tre indiqu� dans le march�. En troisi�me lieu, le march� initial doit �tre soumis � mise en concurrence si, en �tant reconduit, le montant total du march� initial et des march�s reconduits d�passe le seuil de 90 000 euros HT au-del� duquel l'obligation de mise en concurrence est obligatoire (CE 29 novembre 2000, Commune de Pa�ta, no 205143).

Il faut d�duire de l'article 15 du Code des march�s publics que les clauses de reconduction tacite d'un march� public sont prohib�es (cette r�gle �crite confirme la jurisprudence ant�rieure). En effet, la d�cision d'appliquer la clause de reconduction d'un march� doit �tre prise par �crit par l'Administration. En principe, le titulaire du march� n'a pas la possibilit� de refuser la reconduction du march� d�cid�e par l'Administration. Il ne peut d�roger � cette interdiction que si une stipulation du contrat l'y autorise express�ment .

 

1.1.2.2 Les d�lais d'ex�cution des march�s publics

 

Les parties sont libres de d�terminer les d�lais d'ex�cution du march�. Toutefois, elles peuvent pr�f�rer appliquer les dispositions des C.C.A.G. qui pr�voient un d�lai global d'ex�cution et, parfois, des d�lais "partiels" relatifs � une tranche du march� (par exemple, article 20.1 du C.C.A.G.-Travaux). Si les parties au contrat ne pr�voient pas dans le contrat des d�lais d'ex�cution, le juge administratif se r�f�re � une dur�e normale d'ex�cution appr�ci�e, par exemple, selon l'importance des travaux (CE 7 f�vrier 1951, Ville de Paris: Rec. p. 76).

La plupart des C.C.A.G. disposent que les d�lais d'ex�cution commencent � courir � compter de la date de notification du march� � son titulaire. Toutefois, rien n'interdit aux parties de d�cider qu'une autre date soit fix�e pour le commencement de l'ex�cution du contrat � condition qu'elle soit post�rieure � la date de notification du march�. Tr�s souvent, les march�s de travaux pr�voient que les d�lais d'ex�cution courent � compter du jour o� un ordre de service est notifi� par l'Administration � son cocontractant pour lui commander le commencement de leur ex�cution.

Les d�lais d'ex�cution des march�s publics peuvent �tre modifi�s soit par un avenant, soit par un acte annex� au d�compte. Le plus souvent, les d�lais d'ex�cution sont modifi�s pour �tre prolong�s.

 

1.1.3. L'obligation d'ex�cuter le march� conform�ment aux prescriptions techniques du march� et aux ordres de service de l'Administration

 

Le titulaire d'un march� public n'a pas seulement l'obligation d'ex�cuter les stipulations pr�vues par le contrat. Lors de l'ex�cution du march�, il peut appara�tre n�cessaire � l'Administration de demander � son cocontractant d'ex�cuter des prestations suppl�mentaires. De telles d�cisions peuvent �tre d�cid�es contractuellement par l'Administration. Dans ce cas, les parties au contrat concluent un avenant au march�. Elles peuvent aussi �tre d�cid�es unilat�ralement par l'Administration. Elle adopte alors des ordres de service.

 

1.1.3.1 Les avenants

 

Ce th�me fait l'objet d'une �tude sp�cifique � laquelle il convient de se reporter.

 

1.1.3.2 Les ordres de service

 

L'ordre de service est un acte administratif unilat�ral adopt� par l'Administration que le titulaire du march� a l'obligation d'ex�cuter.

Le plus souvent, un ordre de service est �crit, sign�, dat� et num�rot�. L'autorit� comp�tente pour le signer est le ma�tre d'ouvrage sauf s'il d�l�gue sa signature au ma�tre d'oeuvre ou � n'importe quel autre intervenant dans le march�. La d�l�gation de signature est l�gale si trois conditions sont cumulativement remplies. En premier lieu, une stipulation du march� doit express�ment l'autoriser. En deuxi�me lieu, la d�l�gation doit �tre circonscrite. Enfin, en troisi�me lieu, la d�l�gation ne peut autoriser aucune personne � modifier le march� de mani�re substantielle.

L'ordre de service est adress� au titulaire du march� en double exemplaire afin que l'un d'entre eux soit sign� et adress� au ma�tre d'oeuvre avec la date de r�ception. L'ordre de service doit �tre adress� au mandataire commun du groupement si le march� est conclu avec un groupement d'entreprises (article 2.54 du C.C.A.G.-Travaux) et au sous-traitant si le contrat a �t� sous-trait� (article 2.53 du C.C.A.G.-Travaux).

Un ordre de service peut �galement �tre adress� verbalement au titulaire du march� (CE 19 mars 1982, Cojonde: Rec. p. 671). Dans ce cas, le titulaire du march� doit veiller � recueillir des preuves de nature � lui permettre de d�montrer qu'il a ob�i � l'ordre donn� par l'Administration en ex�cutant des prestations non pr�vues par le contrat (CE Sect. 17 octobre 1975, Commune de Canari: Rec. p. 516). Le juge administratif adopte une jurisprudence particuli�rement rigoureuse � l'�gard du titulaire du march� lorsqu'il statue sur les cons�quences d'un ordre de service verbal. En effet, il consid�re que le cocontractant de l'Administration agissant pour ex�cuter un ordre de service verbal ne peut pr�tendre qu'au paiement des d�penses utiles � l'ex�cution du contrat (CE Sect. 17 octobre 1975, Commune de Canari: Rec. p. 516).

Le cocontractant de l'Administration a l'obligation d'ex�cuter l'ordre de service, sauf si ce dernier a pour objet de modifier le march� de mani�re substantielle.

Hormis cette hypoth�se, le titulaire du march� doit ex�cuter l'ordre de service m�me si son ill�galit� est prononc�e ult�rieurement par le juge administratif. D�s lors, le cocontractant a int�r�t � �mettre des r�serves sur tout ou partie des obligations �mises par l'ordre de service afin de ne pas �tre sanctionn� pour l'avoir ex�cut�. Les r�serves faites par le titulaire du march� sont valides uniquement si elles sont adress�es par �crit au ma�tre d'ouvrage ou au ma�tre d'oeuvre dans le d�lai fix� par le march�. De plus, elles doivent �tre suffisamment pr�cises et porter sur le fait g�n�rateur du dommage (CE 3 f�vrier 1984, SARL Sol�tanche, no 09852). Pour les march�s de travaux, le titulaire du march� doit �mettre ses r�serves dans les quinze jours de la r�ception de l'ordre de service si le contrat ne pr�voit pas de d�lai (article 2.52 du C.C.A.G.-Travaux).

L'Administration dispose �galement du pouvoir d'adopter un ordre de service dont le r�gime juridique est sp�cifique: la d�cision de poursuivre. En effet, l'article 118 du Code des march�s publics autorise l'Administration � adopter une telle d�cision dans l'hypoth�se o� le montant des prestations ex�cut�es par le cocontractant atteint le montant pr�vu par le march� alors que l'ex�cution du contrat n'est pas achev�e. Dans ce cas, l'Administration a la facult� de d�cider d'adopter unilat�ralement une d�cision de poursuivre le contrat au lieu de conclure avec son cocontractant un avenant pour en poursuivre l'ex�cution.

La d�cision de poursuivre est l�gale si elle remplit plusieurs conditions. Tout d'abord, la personne responsable du march� est la seule autorit� comp�tente pour adopter la d�cision de poursuivre lorsqu'il s'agit d'un march� conclu par l'Etat tandis que les assembl�es d�lib�rantes des collectivit�s territoriales et de leurs �tablissements publics sont, quant � elles, comp�tentes pour prendre la d�cision de poursuivre l'ex�cution des march�s locaux. Ensuite, la d�cision de poursuivre est l�gale si, dans un premier temps, l'entrepreneur avise le ma�tre d'ouvrage au moins un mois avant que le montant des prestations ex�cut�es d�passe le montant initial puis si, dans un second temps, l'Administration notifie la d�cision de poursuivre au moins dix jours avant que le d�passement ne survienne. Enfin, la d�cision de poursuivre est �galement soumise � trois autres conditions de l�galit�. Premi�rement, le march� doit express�ment autoriser l'Administration � prendre une telle d�cision. Deuxi�mement, � l'instar de n'importe quel ordre de service, il r�sulte de l'article 118 du Code des march�s publics que la d�cision de poursuivre est ill�gale si elle a pour objet de bouleverser l'�conomie du contrat ou d'en modifier l'objet. Enfin, troisi�mement, la d�cision de poursuivre doit indiquer le montant des nouveaux travaux.

Si, malgr� la d�cision de poursuivre, le montant des prestations ex�cut�es d�passe une nouvelle fois le montant suppl�mentaire sur lequel les parties se sont entendues, une nouvelle d�cision de poursuivre doit �tre adopt�e pour permettre l'ex�cution du contrat. Les parties au contrat disposent �galement du droit de conclure un avenant pour rendre possible une nouvelle fois l'ex�cution du march�.

 

1.2. La sanction des obligations du titulaire du march�

 

L'Administration partie � un march� public dispose du privil�ge de pouvoir d�cider de sanctionner elle-m�me le titulaire du march� qui viole une obligation contractuelle ou un ordre de service (1). De plus, elle dispose aussi du droit de saisir le juge administratif pour engager la responsabilit� de son cocontractant (2).

 

1.2.1. Les sanctions d�cid�es par l'Administration

 

Si le cocontractant viole ses obligations contractuelles ou un ordre de service, l'Administration peut avoir recours � deux cat�gories de sanctions. L'usage de l'une n'interdit pas l'emploi de l'autre. En premier lieu, l'Administration peut d�cider d'appliquer les clauses du contrat qui pr�voient les sanctions que le cocontractant peut encourir en cas d'inex�cution du contrat. En second lieu, l'Administration dispose �galement du pouvoir d'adopter certaines sanctions � l'encontre du titulaire du march� m�me si elles ne sont pas express�ment pr�vues par le march�.

 

1.2.1.1 Les sanctions prononc�es par l'Administration par application des clauses contractuelles

 

L'Administration peut prononcer des p�nalit�s � l'encontre de son cocontractant pour sanctionner la violation d'une de ses obligations contractuelles. Elle ne peut appliquer ces p�nalit�s que si elles sont express�ment pr�vues par le contrat (CE 17 avril 1985, OPHLM de la Meuse c. Amiel: R.D.P., 1985, p. 1706).

Les p�nalit�s sont des sommes forfaitaires dues par une des parties qui viole une de ses obligations contractuelles. Du fait de leur caract�re forfaitaire, l'Administration peut l�galement les r�clamer m�me si la violation des obligations contractuelles par le titulaire du march� ne lui cause aucun pr�judice (� propos du d�passement des d�lais d'ex�cution du march�: CE 4 juin 1970, Soci�t� toulousaine immobili�re: Rec. p. 303).

Les parties au march� sont libres de conclure l'application d'une p�nalit� pour chacune des obligations du cocontractant. Par exemple, elles peuvent d�cider que l'Administration pourra demander au titulaire du march� le paiement de p�nalit�s si une ou plusieurs de ses prestations sont imparfaites. De m�me, une stipulation contractuelle peut pr�voir que le cocontractant de l'Administration peut �tre condamn� � payer des p�nalit�s pour d�faut de communication de documents dans les d�lais impartis tels que, par exemple, les projets de d�compte ou l'obligation de d�clarer son sous-traitant. Tr�s souvent, une p�nalit� de retard est pr�vue par les parties au contrat si le titulaire du march� d�passe les d�lais d'ex�cution du march�.

En principe, l'Administration a l'obligation de faire pr�c�der la demande du paiement de p�nalit�s d'une mise en demeure adress�e � son cocontractant. Elle est dispens�e de cette obligation uniquement si une clause du march� pr�voit comment les p�nalit�s doivent �tre mises en oeuvre. De plus, l'Administration a l'obligation de notifier � son cocontractant le montant des p�nalit�s qu'elle lui r�clame avant, le cas �ch�ant, de les pr�compter. Les diff�rents C.C.A.G. pr�voient tous une proc�dure par laquelle ils organisent la proc�dure de notification et de r�ponse du titulaire du march� (article 20.3 du C.C.A.G.-Travaux; article 26-3 du C.C.A.G.-MI; article 16.3 du C.C.A.G.-PI).

Le montant des p�nalit�s est d�cid� par les parties au march�. Toutefois, la somme due par le cocontractant peut �tre limit�e de deux mani�res. Tout d'abord, le plus souvent, les C.C.A.P. fixent un montant plafond des p�nalit�s que le titulaire du march� peut avoir � payer � l'Administration. Ensuite, le montant des p�nalit�s de retard peut �tre r�duit, voire annul�, si le retard est imputable, partiellement ou enti�rement, � l'Administration (CE 19 f�vrier 1975, Ministre de la D�fense nationale: Rec. p. 143).

Les p�nalit�s ont un caract�re � la fois r�pressif et indemnitaire. En effet, l'Administration ne peut pas demander au juge administratif la condamnation de son cocontractant au paiement de dommages-int�r�ts pour r�parer le pr�judice qu'il pr�tend avoir subi du fait de l'inex�cution du march� s'il a d�j� demand� auparavant au titulaire du march� le paiement d'une p�nalit� (CE 15 mai 1987, H�pital rural de Breil-sur-Roya: no 41974).

La d�cision de l'Administration de condamner son cocontractant au paiement d'une p�nalit� est soumise � un contr�le restreint du juge administratif. En cons�quence, une telle d�cision est annul�e par le juge administratif si elle est manifestement disproportionn�e par rapport � l'inex�cution commise par le titulaire du march� (CE 28 octobre 1953, Comptoir des textiles bruts et manufactur�s: Rec. p. 721).

 

1.2.1.2. Les sanctions prononc�es par l'Administration non pr�vues par les clauses contractuelles

 

L'Administration partie � un march� public dispose de trois pr�rogatives pour sanctionner l'inex�cution d'une stipulation contractuelle ou d'un ordre de service par le titulaire du march� m�me si aucune clause du contrat ni aucune loi ou r�glement ne l'autorise express�ment � agir de cette mani�re.

L'Administration agit l�galement si sa sanction n'est manifestement pas disproportionn�e par rapport � l'inex�cution commise par le titulaire du march�.

En premier lieu, l'Administration dispose du pouvoir de r�clamer � son cocontractant le paiement de dommages-int�r�ts pour r�parer le pr�judice subi du fait de l'inex�cution par le titulaire du march� d'une ou de plusieurs de ses obligations contractuelles. En effet, elle dispose du privil�ge du pr�alable qui l'autorise � agir sans saisir le juge.

En deuxi�me lieu, l'Administration peut d�cider la mise en r�gie du march�. Dans ce cas, elle poursuit l'ex�cution du march� par ses propres moyens ou avec le mat�riel et le personnel du cocontractant d�faillant aux frais et risques de ce dernier. La sanction de mise en r�gie n'a pas pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre le ma�tre de l'ouvrage et son cocontractant (CE 23 janvier 1981, Commune d'Aunay-sur-Odon: Rec. p. 25). En effet, d'une part, les suppl�ments de prix sont mis � la charge du titulaire du march�. D'autre part, ce dernier engage sa responsabilit� si l'Administration cause des pr�judices � des tiers en ex�cutant le march�.

La d�cision de mise en r�gie du march� est ill�gale si elle n'est pas pr�c�d�e d'une mise en demeure adress�e au titulaire du march� par laquelle l'Administration enjoint au titulaire du march� d'ex�cuter le contrat dans un d�lai d�termin�. La d�cision de mise en r�gie du march� est �galement ill�gale si la mise en demeure n'est pas sign�e par la personne comp�tente pour conclure le march� (CE 25 novembre 1994, Soci�t� Mastelloto: no 85341 85647) ou si cette derni�re d�cision omet de pr�ciser les manquements reproch�s au cocontractant (CE 26 novembre 1993, SA du nouveau port de Saint-Jean-Cap-Ferrat: no 85161) et la sanction envisag�e.

La d�cision de mise en r�gie est d�licate � mettre en oeuvre, notamment parce que l'Administration devient responsable � la fois civilement et p�nalement des salari�s de l'entreprise titulaire du march�. D�s lors, l'Administration a rarement recours � cette pr�rogative.

En troisi�me lieu, l'Administration a le droit d�cider la r�siliation du contrat pour sanctionner le titulaire du march� qui a commis une faute en n'ex�cutant pas l'une de ses obligations. En exer�ant cette pr�rogative, elle d�cide que le march� doit cesser de produire des effets pour l'avenir. Le titulaire du march� n'a droit � aucune indemnisation (CE 20 janvier 1988, Soci�t� d'�tude et de r�alisation des applications du froid: Rec. p. 29), sauf le d�dommagement �ventuel correspondant � la valeur non amortie des ouvrages r�alis�s (CE 5 juillet 1967, Commune de Donville-les-Bains: Rec. p. 297).

La d�cision de prononcer la r�siliation du contrat est donc la sanction la plus contraignante pour le titulaire du march�. En cons�quence, une telle d�cision est soumise � des conditions de l�galit� rigoureuses. Leur violation justifierait l'annulation de la d�cision de r�siliation par le juge administratif. Dans un premier temps, l'Administration doit mettre en demeure son cocontractant d'ex�cuter ses obligations dans un d�lai d�termin� dont la dur�e ne peut �tre inf�rieure � quinze jours. Dans un second temps, si le titulaire du march� n'obtemp�re pas � la mise en demeure, alors l'Administration prend la d�cision de r�silier le contrat par un acte motiv�, notifi� au titulaire du march� et qui fixe la date d'effet de la mesure de r�siliation. L'autorit� comp�tente pour prendre la d�cision de r�silier un march� de l'Etat est la personne responsable du march�. Seul l'ex�cutif de la collectivit� territoriale ou d'un de ses �tablissements publics pr�alablement autoris� par l'assembl�e d�lib�rante est comp�tent pour d�cider de r�silier un march� local (� propos d'un march� conclu par une communaut� urbaine: CE 8 novembre 1985, Entreprise Ozilou: Rec. p. 317).

Une fois le contrat r�sili�, l'Administration peut d�cider d'attribuer le march� � la folle ench�re si le contrat l'autorisait express�ment (CE 25 octobre 1933, Berp: Rec. p. 951). Dans ce cas, le cocontractant d�faillant doit verser � l'Administration une indemnit� qui couvre la diff�rence entre les conditions financi�res du march� r�adjug� et celles du march� initial (CE 29 mai 1981, SA Roussey: Rec. p. 813 ; v. aussi, CE 10 juin 1992, SA Gentilini et Berthon: no 37115). Toutefois, afin de pr�server ses int�r�ts, le cocontractant a le droit de "suivre" l'ex�cution de la d�cision de r�silier son march� en obligeant l'Administration a l'inform� en temps utile de la conclusion du march� de substitution (CE Sect. 10 juin 1932, Bigot: Rec. p. 572).

Si l'Administration renonce � exercer son droit de r�adjuger le march� � la folle ench�re ou si elle ne peut pas y avoir recours, un nouveau march� avec un tiers doit �tre conclu sans que le titulaire du march� dont le contrat a �t� r�sili� puisse avoir l'obligation d'assumer les frais et risques du nouveau contrat.

La d�cision prise unilat�ralement par l'Administration de r�silier le contrat pour faute ne peut pas �tre contest�e par son cocontractant devant le juge administratif par la voie du recours pour exc�s de pouvoir. En revanche, le titulaire du march� peut agir devant la juridiction administrative par la voie du recours de pleine juridiction pour engager la responsabilit� de l'Administration en invoquant l'ill�galit� de la d�cision de r�silier le march�. Si le cocontractant parvient � d�montrer l'ill�galit� de la d�cision, l'Administration doit lui verser des dommages-int�r�ts pour r�parer le pr�judice caus� par cette r�siliation ill�gale.

 

1.2.2. Les sanctions prononc�es par le juge administratif

 

L'Administration peut saisir le juge administratif pour engager la responsabilit� contractuelle du titulaire du march� (CE Sect. 5 novembre 1982, Soci�t� Prop�trol: Rec p. 381). Elle agit pour demander la condamnation de son cocontractant � r�parer le pr�judice qu'elle subit du fait de l'inex�cution des clauses du contrat. Afin d'obtenir gain de cause, elle doit prouver la faute de son cocontractant, c'est-�-dire l'inex�cution d'une de ses obligations contractuelles, le pr�judice qu'elle subit ainsi que le lien de causalit� suffisamment direct entre la faute et le pr�judice.

L'Administration peut demander au juge administratif le versement de dommages-int�r�ts alors m�me qu'elle a exerc� son pouvoir de mise en r�gie ou d�cid� la r�siliation du contrat (CE 31 mai 1907, Deplanque: Rec. p. 513). En revanche, l'action en responsabilit� devant le juge administratif ne peut �tre que rejet�e si elle a pour objet l'obtention du versement de dommages-int�r�ts alors qu'une p�nalit� est contractuellement pr�vue pour sanctionner l'inex�cution d'une des obligations du titulaire du march� dont elle pr�tend �tre victime (CE 15 mai 1987, H�pital rural de Breil-sur-Roya : R.D.P., 1988, p. 427).

 

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2. Les droits et les obligations de l'Administration

 

L'Administration a le droit d'exercer des pr�rogatives � l'encontre du titulaire du march� alors m�me que, d'une part, ce dernier n'a viol� aucune de ses obligations et que, d'autre part, aucune stipulation contractuelle, ni aucune loi ou r�glement ne l'autorise express�ment � agir de cette mani�re (2.1). Toutefois, lorsqu'elle conclut un march� public, l'Administration a �galement des obligations � l'�gard du titulaire du march� (2.2).

 

2.1. Les droits de l'Administration

 

Ind�pendamment de l'exercice d'un pouvoir de sanction � l'�gard du cocontractant qui viole ses obligations, l'Administration partie � un march� public a �galement le droit d'exercer d'autres pr�rogatives � l'�gard du titulaire non fautif. D'une part, elle exerce un pouvoir de contr�le et de direction (2.1.1). D'autre part, l'Administration a le droit de r�silier unilat�ralement un contrat pour motif d'int�r�t g�n�ral (2.1.2).

 

2.1.1. Le pouvoir de contr�le et de direction

 

L'Administration exerce un pouvoir de contr�le � l'�gard de son cocontractant en v�rifiant que ce dernier se comporte conform�ment aux clauses du march� et en exigeant de lui tous renseignements propres � �clairer ces v�rifications. Elle exerce �galement un pouvoir de direction pour fixer les modalit�s d'ex�cution du march�. Cependant, le pouvoir de direction ne l'autorise pas � intervenir dans son ex�cution m�me (CE 28 octobre 1977, Martin: Rec. p. 407). L'Administration exerce ces deux pouvoirs en adoptant des ordres de service (v. supra. 1.1.3).

En contrepartie, l'Administration a l'obligation de verser au titulaire du march� une indemnit� qui compense int�gralement le surco�t caus� par les d�cisions par lesquelles elle exerce son pouvoir de contr�le et de direction.

 

2.1.2. La r�siliation du contrat pour motif d'int�r�t g�n�ral

 

Le Conseil d'Etat a accept� de reconna�tre que l'Administration dispose du pouvoir de r�silier unilat�ralement un march� public pour des motifs d'int�r�t g�n�ral (CE Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval: Rec. p. 246). En cons�quence, toute clause contractuelle ayant pour objet d'interdire � l'Administration de r�silier un contrat pour des motifs d'int�r�t g�n�ral est illicite (CE 6 mai 1985, Association Eurolat: Rec. p. 141).

La d�cision de r�silier unilat�ralement le contrat est ill�gale si elle n'est pas motiv�e par le souci de d�fendre l'int�r�t g�n�ral. Par exemple, l'Administration a le droit de r�silier un contrat si le titulaire du march� ne dispose plus des garanties suffisantes pour remplir ses obligations (CE 31 juillet 1996, Soci�t� des t�l�ph�riques du Mont-Blanc: Rec. p. 334) ou s'il ne ma�trise pas suffisamment la technologie pour ex�cuter le contrat (CAA Paris, 9 juillet 1991, Soci�t� Caoutchouc Manufactures et Plastiques Kl�ber-Industrie: no 89PA00700). De m�me, la d�cision prise par l'Administration de r�silier un contrat pour motif d'int�r�t g�n�ral est l�gale si les clauses du contrat sont impr�cises et que la r�daction de certaines clauses est irr�guli�re (CE 10 juillet 1996, Coisne: no 140606).

Le cocontractant de l'administration a droit au paiement d'une indemnit� par l'Administration du fait de la r�siliation du march� pour motif d'int�r�t g�n�ral. Son montant est �gal � la somme que le cocontractant aurait gagn�e s'il avait poursuivi l'ex�cution du march�. D�s lors, l'indemnit� couvre int�gralement les pertes subies par le titulaire du march� ainsi que son manque � gagner (CE 16 f�vrier 1996, Syndicat intercommunal de l'arrondissement de Pithiviers: no 82880). Toutefois, une clause d'un march� pr�voyant une limitation, voire une suppression, de l'indemnit� due par l'Administration � son cocontractant pour avoir r�sili� la convention pour motif d'int�r�t g�n�ral n'est pas n�cessairement nulle (CE 10 d�cembre 1982, Loiselot: Rec. p. 661; CE 9 octobre 1989, Soci�t� navale et commerciale Delmas Vieljeux: R.D.P., 1991, p. 300).

Le titulaire du march� peut agir devant le juge administratif pour contester par la voie du recours de pleine juridiction la d�cision prise par l'Administration de r�silier le contrat pour motif d'int�r�t g�n�ral. Il saisit le juge pour r�clamer le versement de dommages-int�r�ts afin d'obtenir la r�paration du pr�judice caus� par l'adoption d'une d�cision de r�siliation du march�. Si le juge constate l'ill�galit� de la d�cision de r�silier le march�, le montant de l'indemnit� due au titulaire du march� n'est pas seulement �gale � la somme qu'il aurait per�ue s'il avait poursuivi l'ex�cution du march�. Il peut en plus obtenir une indemnit� qui couvre l'atteinte port�e � sa r�putation professionnelle par la d�cision de r�silier ill�galement un contrat pour motif d'int�r�t g�n�ral (CAA Paris, 25 mars 1993, Ministre de l'Education nationale c/ Soler: no 98PA00839).

 

2.2. Les obligations de l'Administration

 

L'Administration a des obligations financi�res � l'�gard du titulaire du march�. En premier lieu, elle doit payer le prix r�sultant de l'offre de son cocontractant pour les prestations pr�vues par le march� (2.2.1). De plus, l'Administration peut avoir l'obligation d'indemniser le titulaire du march� s'il doit faire face � des charges non pr�vues par le contrat pour ex�cuter son engagement (2.2.2).

Le titulaire du march� doit saisir le juge administratif par un recours de pleine juridiction pour engager la responsabilit� de l'Administration si cette derni�re viole l'une de ses obligations. Il peut alors demander � ce que la personne publique cocontractante soit condamn�e au versement de dommages-int�r�ts. De plus, il peut �galement demander la r�siliation du march� si l'inex�cution de l'Administration est gravement fautive (CE 27 f�vrier 1927, Doffini: Rec. p. 220).

Toutefois, m�me si le titulaire du march� parvient � engager la responsabilit� de l'Administration ou � obtenir le prononc� de la r�siliation du march�, il doit poursuivre l'ex�cution du contrat tant que le juge administratif n'a pas d�finitivement statu� sur sa requ�te. En effet, il n'est pas possible de se pr�valoir de l'exception d'inex�cution pr�vue � l'article 1184 du Code civil pour refuser d'ex�cuter un march� public

 

2.2.1. Le paiement du prix

 

L'article 12 du Code des march�s publics dispose que les pi�ces constitutives d'un march� comportent obligatoirement son prix libell� en euros ou les modalit�s de sa d�termination. D�s lors, un contrat est nul s'il ne contient pas de prix (TA Versailles, 24 mars 1994, Pr�fet de l'Essonne c/ Pr�sident du conseil g�n�ral de l'Essonne: Rec. p. 1037).

Le prix du march� est consid�r� comprendre toutes les charges li�es � l'ex�cution de la prestation fournie par le titulaire du march�. Par exemple, il doit prendre en compte les d�penses d'approvisionnement, les imp�ts ou les frais de personnel. Le prix du march� s'entend toutes taxes comprises. Seul peut �tre ajout� au prix la prime d'int�ressement en cas d'ach�vement des travaux � temps (CE 28 mai 2001, M. Ferrand, Soci�t� OTH Sud-Ouest: no 205264).

Le premier alin�a de l'article 16 du Code des march�s publics dispose qu'un prix peut �tre d�termin� de mani�re unitaire ou forfaitaire. D'une part, le prix est unitaire s'il est appliqu� aux quantit�s r�ellement livr�es ou ex�cut�es. Dans ce cas, le montant d� par l'Administration est �gal au prix unitaire multipli� par les quantit�s effectivement livr�es ou ex�cut�es. D'autre part, le prix est forfaitaire lorsqu'il est appliqu� � tout ou partie du march�, quelles que soient les quantit�s.

Un march� peut contenir � la fois des prix unitaires et des prix forfaitaires. D�s lors, les parties au contrat doivent veiller � indiquer express�ment � quelles prestations chaque modalit� de prix est applicable.

En principe, un march� est conclu � prix d�finitif (article 17 du Code des march�s publics). En cons�quence, les prix provisoires sont exceptionnels; en principe, un prix ne peut pas �tre modifi�.

 

2.2.1.1. Le prix provisoire

 

Dans quelques rares hypoth�ses, le prix du march� est provisoire. Le prix doit �tre �tabli de cette mani�re dans des cas o� il appara�t n�cessaire de commencer l'ex�cution d'un march� alors m�me que tous les �l�ments permettant la d�termination du prix d�finitif ne sont pas connus.

Le contrat doit pr�voir l'�ch�ance � laquelle un avenant doit �tre conclu pour fixer le prix d�finitif ainsi que les conditions dans lesquelles sera d�termin� le prix d�finitif, �ventuellement dans la limite d'un prix plafond (article 18-II du Code des march�s publics). Si les parties au march� ne concluent pas cet avenant, seul le prix provisoire doit �tre pris en compte (CAA Paris 6 juin 1991, Centre hospitalier d�partemental c/ Stell: Rec. p. 1047). Toutefois, le juge administratif accepte d'engager la responsabilit� de l'Administration si elle constate que cette derni�re a commis une faute en emp�chant la fixation du prix d�finitif (CE 20 f�vrier 1976, Ministre de la D�fense c/ Laboratoires Ren� Dervaux: Rec. p. 110).

Seules deux cat�gories de march�s publics peuvent �tre conclues � prix provisoires.

Tout d'abord, l'article 18-I du Code des march�s publics dispose que les march�s n�goci�s peuvent �tre conclus � prix provisoires seulement lorsque l'une des quatre hypoth�ses suivantes se pr�sente:

1. Lorsque, pour des prestations complexes ou faisant appel � une technique nouvelle et pr�sentant soit un caract�re d'urgence imp�rieuse, soit des al�as techniques importants, l'ex�cution du march� doit commencer alors que la d�termination d'un prix initial d�finitif n'est pas encore possible;

2. Lorsque les r�sultats d'une enqu�te de co�t de revient portant sur des prestations comparables command�es au titulaire d'un march� ant�rieur ne sont pas encore connus;

3. Lorsque les prix des derni�res tranches d'un march� � tranches, tel que d�fini � l'article72 du pr�sent code, doivent �tre fix�s au vu des r�sultats, non encore connus, d'une enqu�te de co�t de revient portant sur les premi�res tranches, conclues � prix d�finitifs;

4. Lorsque les prix d�finitifs de prestations comparables ayant fait l'objet de march�s ant�rieurs sont remis en cause par le candidat pressenti ou la personne responsable du march�, sous r�serve que celle-ci ne dispose pas des �l�ments techniques ou comptables lui permettant de n�gocier de nouveaux prix d�finitifs.

Ensuite, pour la r�alisation des ouvrages mentionn�s � l'article 1er de la loi no 85-704 du 12 juillet 1985 relative � la ma�trise d'ouvrage publique et ses rapports avec la ma�trise d'oeuvre priv�e, l'article 18-III du Code des march�s publics dispose que les march�s de ma�trise d'oeuvre sont pass�s � prix provisoires conform�ment au d�cret no 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de ma�trise d'oeuvre confi�es par des ma�tres d'ouvrage publics � des prestataires de droit priv�.

 

2.2.1.2. La modification du prix d�finitif

 

En principe, le prix unitaire ou forfaitaire d�finitif que l'Administration a l'obligation de payer � son cocontractant est ferme. Il ne peut donc pas �tre modifi�. Cependant, les parties � un march� public ont la facult� d'actualiser le prix ferme de leur march� si un d�lai de trois mois s'�coule entre la date d'�tablissement du prix initial figurant dans le march� et la date d'effet de l'acte portant commencement d'ex�cution des prestations. Lorsque ces circonstances surviennent, les parties � un march� de travaux, de services non courants et de fournitures non courantes ont l'obligation et non pas seulement la facult� d'actualiser le prix du march�. L'actualisation du prix ferme se fait conform�ment aux dispositions pr�vues par le d�cret no 2001-738 du 23 ao�t 2001. Le march� doit express�ment pr�voir les modalit�s d'actualisation du prix. Une fois actualis�, le prix ferme est invariable.

Toutefois, un prix ferme peut �tre tr�s contraignant pour les parties au march�. L'article 17 du Code des march�s publics dispose donc qu'un prix peut ne pas �tre ferme si les parties au march� public s'exposent � des al�as majeurs du fait de l'�volution raisonnablement pr�visible des conditions �conomiques pendant la p�riode d'ex�cution des prestations. Dans ce cas, les cocontractants peuvent conclure que le prix est soit ajustable, soit r�visable.

L'article 2 du d�cret no 2001-738 dispose que le prix est ajustable lorsqu'il pr�voit que le prix de r�glement est calcul� � partir d'une r�f�rence figurant dans le march� et qui doit �tre repr�sentative de l'�volution du prix de la prestation elle-m�me. Les parties doivent pr�voir la date d'�tablissement du prix initial ainsi que les modalit�s de l'ajustement. Les parties � un march� de fournitures et de services courants ont l'obligation de conclure un march� � prix ajustable s'ils refusent de s'entendre sur un prix ferme.

Les cocontractants des autres march�s publics peuvent conclure un march� � prix r�visable. Aux termes de l'article 3 du d�cret no 2001-738, le prix est r�visable lorsqu'il est calcul� par application au prix initial figurant dans le march� d'une formule repr�sentative de l'�volution du co�t de la prestation. La formule de r�vision doit repr�senter conventionnellement les �l�ments du co�t de la prestation concern�e et doit inclure un terme fixe dont la valeur minimale est de 12,5 % du prix initial. Les parties doivent pr�voir la date d'�tablissement du prix r�visable et les modalit�s de r�vision du prix. La formule de r�vision du prix est applicable aux acomptes. Elle ne peut pas �tre modifi�e.

 

2.2.2. L'obligation d'indemnisation du titulaire du march� en cas d'aggravation de ses charges

 

L'ex�cution du march� public peut avoir pour effet d'aggraver les charges imputables au titulaire du march� initialement pr�vues par le contrat. Dans ce cas, parfois, l'Administration a l'obligation d'indemniser son cocontractant. Les r�gles juridiques diff�rent selon que l'aggravation des charges est ou non imputable aux parties au march�.

 

2.2.2.1. L'aggravation des charges imputable aux parties au march�

 

Souvent, l'Administration a l'obligation d'indemniser son cocontractant si les charges auxquelles ce dernier doit faire face n'ont pas �t� pr�vues par le contrat. Tout d'abord, l'aggravation des charges peut �tre caus�e par l'Administration. Dans ce cas, elle doit indemniser le titulaire du march� � condition que les parties n'aient pas express�ment exclu dans le march� que les prestations suppl�mentaires puissent �tre indemnis�es. Dans ce dernier cas, le titulaire du march� peut r�clamer le versement d'une indemnit� si les prestations suppl�mentaires qu'il a du fournir bouleversent l'�conomie du march� ou si l'Administration a commis une faute (CE 11 f�vrier 1983, Soci�t� entreprise Caroni: Rec. p. 59).

Ensuite, les prestations ex�cut�es par le cocontractant non pr�vues par le contrat ou un ordre de service sont indemnis�es par l'Administration si, d'une part, elles sont indispensables � la bonne ex�cution des ouvrages compris dans les pr�visions du march� (CE Sect. 17 octobre 1975, Commune de Canari: Rec. p. 516) et si, d'autre part, le ma�tre d'ouvrage ne s'y oppose pas express�ment (CE 2 juillet 1982, Soci�t� routi�re Colas: Rec. p. 21). En revanche, le titulaire du march� ne peut pas demander le versement d'une indemnit� si les prestations suppl�mentaires sont dues � sa propre carence.

Lorsque l'Administration doit verser une indemnit� � son cocontractant pour r�parer l'aggravation des charges imputables aux parties, cette derni�re doit compenser int�gralement la charge suppl�mentaire support�e par le titulaire du march�.

 

2.2.2.2 L'aggravation des charges non imputable aux parties au march�

 

Le titulaire d'un march� public peut se pr�valoir de plusieurs th�ories pour obliger l'Administration � lui verser une indemnit� s'il doit fournir de nouvelles prestations dues � des �v�nements ind�pendants de la volont� des parties.

Tout d'abord, la th�orie du "fait du prince" est applicable si les charges suppl�mentaires impos�es au titulaire du march� sont dues � la personne publique cocontractante agissant en une autre qualit� que celle de partie au contrat. Dans ce cas, l'Administration a l'obligation de verser une indemnit� qui r�tablit l'�quilibre financier du contrat � condition qu'une stipulation du contrat n'exclut pas que la responsabilit� de l'Administration puisse �tre engag�e sur le fondement du fait du prince (CAA Paris 25 mai 1993, Soci�t� Renoveco: Rec. p. 874).

Ensuite, la th�orie des suj�tions impr�vues permet aussi d'obliger la personne publique cocontractante � indemniser int�gralement son cocontractant pour les prestations suppl�mentaires qu'il peut avoir � fournir. En pratique, elle est appliqu�e pour les march�s de travaux. Toutefois, en droit, rien n'exclut qu'elle puisse �tre mise en oeuvre pour les autres cat�gories de march�s. La th�orie des suj�tions impr�vues est applicable si trois conditions sont cumulativement remplies. Premi�rement, l'�v�nement qui a contraint le cocontractant de l'Administration � accomplir des prestations suppl�mentaires doit �tre ext�rieur � la volont� des parties. Deuxi�mement, l'�v�nement � l'origine des suj�tions impr�vues ne doit pas pouvoir �tre pr�vu par les cocontractants le jour o� le march� a �t� conclu (CE 15 d�cembre 2000, M. Lacroix c. ADH de Haute-Savoie) et, enfin, troisi�mement, il doit avoir pour effet de rompre l'�quilibre financier du contrat.

Enfin, si un �v�nement ind�pendant de la volont� des parties, impr�visible le jour o� le march� a �t� conclu bouleverse totalement l'�conomie du contrat et non pas seulement son �quilibre financier, alors le juge administratif accepte d'appliquer la th�orie de l'impr�vision (CE 30 mars 1916, Compagnie g�n�rale d'�clairage de Bordeaux: Rec. p. 125). Dans ce cas, l'Administration a l'obligation de verser au titulaire du march� une indemnit�. De mani�re unanime, la doctrine affirme que l'indemnit� compense 90 � 95% des charges extra-contractuelles de son cocontractant. Le titulaire du march� doit poursuivre l'ex�cution du contrat, sauf si l'�v�nement qui a justifi� l'application de la th�orie de l'impr�vision emp�che de mani�re irr�sistible son ex�cution. Il y a alors force majeure. Cette nouvelle situation autorise les parties � demander au juge administratif de prononcer la r�siliation du march� avec indemnit� s'il y a lieu (CE Ass. 9 d�cembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg, Rec. p. 1050).

 

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Conclusion

 

A l'instar des autres contrats administratifs, l'ex�cution des march�s publics est soumise � un r�gime juridique diff�rent de celui appliqu� aux contrats de droit priv�. Le titulaire du march� n'a pas seulement l'obligation de respecter les obligations pr�vues par le contrat. Il doit, en plus, accepter les obligations que l'Administration peut d�cider unilat�ralement. D�s lors, m�me si l'Administration a elle aussi des obligations en concluant un march� public, le titulaire du march� accepte un r�gime juridique plus contraignant que celui auquel les parties � un contrat de droit priv� d�cident de se soumettre, tout en b�n�ficiant d'avantages r�sultant de la n�cessaire continuit� des services publics (d'o� la th�orie de l'impr�vision favorable aux titulaires de march�s publics).

 

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